L'histoire :
Enzo vit chichement dans un petit appartement de Chogsu Siti, une mégapole coréenne. Il est massif, muet, passionné par l’apnée (d’où son prénom…), obnubilé par une chanson qu’il écoute en boucle dans son walkman et qui lui rappelle sa mère. Ha, et aussi, il est tueur professionnel ultra performant. Aujourd’hui, il doit d’ailleurs exécuter un contrat. Il enfile ses écouteurs dans ses oreilles et sonne à la porte de la vieille femme : il se fait passer pour le masseur qu’elle a commandé. Une domestique le conduit à l’étage. Enzo commence sagement à masser le dos de la vieille. Puis il se donne le top départ et l’étrangle de toutes ses forces. Il a du mal à serrer, tellement la vieille est moite et pleine de plis. Elle se débat tellement, qu’il se retrouve à lutter à travers la porte de sa chambre, puis ils dévalent ensemble l’escalier. Ouf, la vieille se tue en atterrissant en bas. Enzo n’a plus qu’à tuer aussi la domestique. Bref, ça a un peu dégénéré, mais ça va, ça aurait pu être pire. Enzo finit d’écouter sa chanson pour se remettre du chaos. Pendant ce temps, la cantatrice Annie Wong est de retour au pays, après une longue tournée à l’étranger. Elle se produit au Chogsu Palace devant un public conquis d’avance. Puis elle retrouve son mari Mon-Sik dans sa loge. Mon-Sik la frappe chaque jour et il a néanmoins des ambitions politiques : il veut se présenter pour devenir le prochain maire de Chogsu. Certes, quoique la maire actuelle ne compte pas le laisser faire. Elle demande à Cheong, son homme de main, d’engager quelqu’un pour « faire peur » à Mon-Sik. Cheong, alias « le touriste », contacte alors Enzo…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le scénariste Swann Merralli nous propose là un petit bijou de thriller, avec tout ce qu’il faut de violence, de corruption, de politiques véreux, mais aussi d’amour. Ça se passe en Corée du Sud, dans une mégapole saturée et… fictive (mais plausible). A travers le dessin stylisé de Gaël Henry, on sentirait presque la moiteur de cet environnement ultra urbain déshumanisé. Pas un horizon dégagé, que des rues sordides et surpeuplées, des ambiances crasseuses et infâmes… à l’image de Madame le Maire, une pure pourriture calculatrice et mégalo. D’un autre côté, son plus sérieux concurrent, Mon-Sik, est encore pire ! Il incarne le vrai méchant de l’histoire. Le plus humain de tous est le personnage central et lunaire d’Enzo, dont le métier est pourtant de tuer froidement sur contrat. Certes, mais il a des circonstances atténuantes : il trimballe de lourds fantômes du passé qu’on vous laissera découvrir. Ce tueur est aussi attachant que peut l’être un enfant. Arrivera-t-il à tuer Annie Wong, celle qui porte la voix qu’il aime tant, celle qui chante la chanson que lui chantait sa maman ? La narration nous embarque très vite, pour ne plus nous lâcher, tout au long des 192 pages ponctuées de crimes, de bastons, de courses-poursuites, de face-à-face tendus. Le dessin encré, légèrement charbonneux, s’accompagne d’une gamme restreinte de teintes en aplats, une combinaison idéale pour magnifier les ambiances nauséabondes. Les amateurs de polars peuvent se lécher les babines.