L'histoire :
De nos jours, Elise, quadra et mère célibataire, quitte la ville et achète une dépendance de plain-pied dans un bled du Sud-Est de la France, pour prendre un nouveau départ. Afin de ne pas passer à côté de l’affaire – 25 000 € seulement ! – elle l’achète sur un coup de tête, sur plan, « en distanciel », sans la visiter. Quand elle y débarque seule et de nuit pour la première fois, elle découvre d'abord la pampa du jardin. Puis, à la lueur de son smartphone, un incroyable foutoir à l’intérieur, avec des papiers peints d’un autre âge. La bâtisse est restée « dans son jus » depuis presque 40 ans, abandonnée par son ancien propriétaire avec toutes ses affaires en l’état. Après une exploration des lieux, Elise passe une première nuit sans électricité ni chauffage dans le canapé, attendant que ses parents la rejoignent dès le lendemain en compagnie de son jeune fils Antoine. Les parents, de jeunes retraités, viennent en camping-car, ce qui permettra à la famille de vivre à peu près décemment le temps des petits travaux de remise en état et du grand ménage à faire. Le lendemain, à la lueur du jour, la déco est encore plus kitchissîme. L’ancien proprio décédé en 1987 avait entre autre accroché aux murs des tableaux improbables. L’un d’eux, qui représente un massacre dans le désert, avec une troupe de chameaux qui s’éloigne, interpelle le jeune Antoine. Mais dans ce capharnaüm, celui-ci fait bien d’autres découvertes…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le fatras de cette maison abandonnée depuis super longtemps est hanté par l’âme et le destin fantasmé de son ancien propriétaire. Tel est le propos central, simple mais abouti, de ce long roman graphique réalisé par Simon Labouret. Le personnage central d’Elise, mais aussi ses parents (pénibles) et son jeune fils (qui fait des petites bêtises) découvrent un fatras incroyable d’un autre temps, terriblement crédible. A chaque case, quasiment, on se croirait en visite dans l’antique maison de famille de la vieille tante célibataire atteinte du syndrome de Diogène (les gens qui ne jettent rien), qui a tout accumulé à des endroits inadaptés sans avoir jamais refait la déco. Ça sent le beurre rance, la vieille poussière et la cire d’abeilles périmée. Ce sentiment est renforcé par la technique graphique employée par Lamouret, un dessin stylisé et naïf volontairement chargé à l’extrême, comme réalisé aux crayons de couleur et à la gouache vive. On comprend qu’il lui ait fallu trois années (merci la bourse du CNL) pour couvrir les 230 pages de ce grand rangement de printemps, ponctué par des séquences de projections mentales sur la vie fantasmée de l’ancien propriétaire. Au regard de la collection d’objets, de toiles et de courriers accumulés, était-il peintre, coureur de jupons, aventurier, voyageur ? L’auteur ne tranche jamais et partage un peu gratuitement avec le lecteur les séquences chimériques imaginées à tour de rôle par les nouveaux venus, parfois mélangées à leur quotidien. Car ces personnages et leurs petits défauts ont une formidable profondeur psychologique, qui attribue beaucoup de vraisemblance à cette chronique sociale à la marge.