L'histoire :
Le 13 juin 1933, après la tombée de la nuit, une curieuse météorite s’écrase dans la région de Vergiate en Lombardie (Italie). Un agriculteur et son petit-fils Valerio se trouvent à proximité et sont secoués par l’impact. Un épais brouillard rose s’échappe du cratère, mais quand Valerio s’en approche intrigué, son corps explose ! Dans le village voisin, une famille est également intriguée par le boucan. Un adolescent, Aurelio attrape son appareil photo et s’en va jouer au reporter. Il prend alors des photos qui resteront cultes dans les dossiers des services secrets italiens. Le lendemain, à Turin, un général vétéran de la première guerre informe son fils Ferdinando, et son ami Augusto (grand frère de Valerio), de ce potentiel crash d’aéronef extraterrestre. Les deux jeunes hommes sont engagés dans les avangardisti (sorte de scoutisme paramilitaire, qui deviendra les jeunesses fascistes)… et secrètement homosexuels et amants. L’éminent scientifique Guglielmo Marconi est sur le coup. Les deux jeunes militants sont envoyés en renfort pour en apprendre un maximum sur cette guimbarde volante, qui peut leur apporter un avantage technologique sur la perfide Albion ! Augusto profite de l’occasion pour passer rendre une visite de courtoisie à sa famille…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette uchronique Forteresse volante réalisée par un duo d’auteurs italiens, mélange le registre de l’espionnage et celui de la science-fiction, avec l’incursion d’une technologie extraterrestre au profit du régime fasciste des années 30. Et pour le coup, la narration séquentielle est un véritable OVNI ! Les auteurs déroulent en effet leur intrigue au travers d’un découpage à la fois novateur, osé et hyper dense, de cases carrées sans bords… et des cases parfois minuscules (de 2cm² !), qui permettent de détailler l’action à l’extrême. Il peut ainsi se présenter une cinquantaine de cases par page, certaines enchainées, d’autres espacées, souvent imbriquées avec de larges espaces vides, afin que ça reste respirable. Entièrement décliné au travers d’une bichromie de gris-roses, le dessin semi-réaliste est forcément minimaliste dans les petites cases ; et paradoxalement les personnages parfois zoomés en macro-plans dans les grandes cases montrent des détails hideux (points noirs, rougeurs, boursouflures…). Le procédé des vignettes rappelle la manière Chris Ware (Jimmy Corrigan) ou certaines œuvres de Lewis Trondheim (Mister i, Mister o). Or ce qui se présente comme un biais rafraichissant se perd aussi un peu dans l’écueil du registre de l’espionnage : l’intrigue est trouble, confuse, éparpillée, assez incommode à suivre, même avec de bonnes lunettes. Elle se perd souvent dans des non-dits aux intrications nébuleuses. Dans le fond, ces élèves italiens de Ware imaginent que durant la dictature de Mussolini, les fascistes et le célèbre savant Marconi (inventeur de la radio et de la télégraphie sans fil) héritent de technologies d’avant-garde apportées par un aéronef extraterrestre. Un sombre et retors jeu de pouvoirs se met alors en place pour la maîtrise et la possession de ces technologies… qui restent finalement relativement floues, les auteurs préférant creuser le sillon des rapports conflictuels d’amour-haine et des instrumentalisations entre les protagonistes. Sans doute le contexte et les acteurs de l’Italie fasciste, majoritairement méconnus de la culture populaire du lectorat franco-belge, n’aide-t-il pas aussi à totalement saisir les réels enjeux de l’époque.