L'histoire :
Journaliste, Ulisses de Araujo débarque dans la petite bourgade de Buritizal, au nord du Minas Gerais, dans le Nordeste brésilien. Il cherche à obtenir des renseignements sur un dangereux brigand qui impose son joug à toute la région du Sertao : le terrible Antonio Mortalma. L’endroit est quasi-désert depuis que la Horde du brigand y a fait une razzia. Plus de commissaire, plus de procureur, plus de collecteur fédéral, plus de bureau de poste, plus de maire… seul le curé a été épargné. D'ailleurs, le prêtre est le premier à lui décrire le bonhomme. Surtout, il lui conte d’où il vient : un enfant du diable donné à un couple tzigane. Un autre des villageois prétend quant à lui qu’au départ, Mortalma était un citoyen comme les autres. Mais qu’un jour de vendredi saint, il s’est installé à minuit au milieu d’un carrefour pour y signer un pacte en lettres de sang avec le Malin. Un autre enfin, peu friand de ce genre de superstition, lui conte une histoire plus vraisemblable. Celle d’un homme acculé par une bande rivale alors qu’il servait le colonel Soturno Gouveia. Celle d’un homme auquel on refusa l’hospitalité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si la large carcasse carnassière d’Antonio Mortalma incarne ici le fameux brigand, une belle palette de salopards, de faux protecteurs de la veuve et de l’orphelin gouvernementaux ou de Robin des bois violents lui partagent la vedette avec jubilation. De la mitraille au kilomètre, des gorges tranchées comme du bon pain, des yeux brûlés au tison, des duels sous la foudre, des pillages, des vengeances ou encore des trahisons animent ainsi à la perfection un jeu de confrontations parfaitement distillé. Car découpé en six chapitres, le scénario s’amuse avec une incroyable habilité à se déjouer de toute linéarité. Ainsi, chaque partie a son narrateur, son angle de vue, focalise sur tel ou tel protagoniste pour qu’au final, assemblées, elles composent un récit dense, actif, rythmé et d’une surprenante lisibilité (pari qu’on a pourtant du mal à prendre lorsqu’on entame l’immersion). Bref, de quoi voir s’étaler sous nos yeux asservis, la mécanique savoureuse de la légende de cet impitoyable brigand. Difficile donc de résister à cet ensemble épicé qui offre en bonus quelques saillies philosophiques et photographie un brin le monde rural brésilien des années 20. D’autant que la partition graphique proposée par Flavio Colin – véritable légende au Brésil – joue la maestria : fluide, sonore, cadrée et capable de provoquer mouvement ou émotion avec une fabuleuse simplicité. A votre tour, donc, de prendre la place du journaliste binoclard, de ce fumier de colonel borgne, de sa fille révoltée, voire de cet esclave noir ou de ce militaire halluciné, pour mieux vous empiffrer des destinées d’Antonio Mortalma, de Manuel Grande et de Soturno…