L'histoire :
Les goélands ont colonisé le ciel de la ville. Alors qu’il s’apprête à déguster son croissant, Monsieur Fodyl se fait chiper sa viennoiserie par un de ces nuisibles. Il est encore sous la surprise du larcin aérien quand une brigade de police en pleine intervention le bouscule et le projette à terre. Dans la foule, un enfant demande à sa mère ce que le monsieur a fait pour être ainsi arrêté. Elle lui répond que c’est juste un fainéant que les policiers viennent chercher pour le reconduire à son travail. Deux individus ayant assisté à la scène s’étonnent qu’on retrouve encore ce genre d’individu en centre-ville. Comment arrivent-ils à se cacher ? En tout cas, ils forment un triste spectacle qu’ils ne devraient pas subir, estiment-ils. Plus tard, dans l’immense bâtiment qui abrite le bureau de gestion des cas, Fodyl est face à un homme qui n’a pas travaillé depuis sa dernière période de travaux forcés. L’autre lui raconte qu’il n’a jamais été avec une femme et qu’il est amoureux de la dame de l’accueil. Puis il décrit son arrestation par des militaires lorsqu’il prenait sa douche. Par réflexe, il en a même amoché un. Depuis, il est persuadé d’être surveillé. Alors quand le gars qui s’occupe d’exterminer les œufs de goélands apparait à la fenêtre alors qu’il monte sur le toit, le pauvre homme est persuadé qu’ils l’ont retrouvé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans une société gangrénée par la productivité et un système qui contraint les sans-travail aux travaux forcés, Monsieur Fodil occupe un poste semblable à un conseiller du Pôle Emploi… sauf que si le chômeur ne trouve pas un job, c’est direction les travaux forcés. Or quand arrivent les notations de sa hiérarchie, il est sanctionné pour excès d’empathie et d’attention envers les cas dont il a la charge. Et ce sont ainsi tous les rouages de notre société qui sont mis à nus. De l’hypocrisie professionnelle à la souffrance de la solitude ou de la différence, Le cas Fodyl est un pamphlet contre le système en place. Avec quelques années d’avance, et encore, Lomig met en avant tous les travers qui font que tout va de plus en plus mal : le mépris des classes dominantes sur les plus modestes, l’absence de compassion envers ceux qui pensent à contre-courant… Bref, l’intolérance en long en large et en travers. Il plane l’ombre du 1984 d’Orwell avec, en plus, une volonté d’une partie du peuple à être asservie et être rendue aveugle à la réalité. C’est le choix de cet album d’anticipation de refléter tant de détails du présent, à demi-mot, presque légèrement. Le trait vivant a le sens du détail et colle au ton faussement léger du scénario. La bichromie empêche la chaleur visuelle et reflète l’ambiance d’une telle société, où la douceur n’a pas sa place. Très expressifs, les personnages reflètent parfaitement ce qu’ils sont. Les dominants font taire les rebelles, les amoureux, ou tous ceux qui refusent l’asservissement imposé à la masse. Seule une place est réservée aux résignés qui peuvent alors exécuter les basses tâches à moindre coût. Il faudra jouer serré parmi toute cette cruauté pour retrouver une liberté passée de mode. Une aventure de tous les dangers dans une anticipation qui semble tellement normale au regard de notre époque.