L'histoire :
En cette fin de XIXème siècle, dans une grande propriété coloniale de Martinique, des enfants courent, rient et s’amusent sous le regard haineux de l’intendant Gomez. Man Artémise lui demande ce qu’il regarde. Il répond qu’il surveille ce qu’il se passe sur les terres du maître. Elle ne voudrait pas qu’il arrive malheur à sa fille, n’est-ce pas ? La tension est palpable entre les deux employés de la maison et l’intendant repart en maugréant qu’il les a à l’œil, ces sales petits merdeux. Pendant ce temps, dans la grande demeure du maître, Thibault fait la dictée à Amélia, quand la plume se casse en faisant une tâche. Les trois ados commencent à plaisanter en créole en se moquant de Gomez. Tout à coup, le père débarque, furieux d’avoir entendu un langage inconvenant. Il rappelle qu’il est le maître, ici ! Et si Thibault et Laure ne prennent garde, il les renverra en France métropolitaine. Il chasse brusquement la fille de Man Artemise, puis la maison résonne d’une grosse colère de tous côtés. La jeune fille s’est réfugiée sur la plage et écrit sur le sable. Gomez qui passe par là lui dit que si le maître voit ça, elle sera punie. Puis elle efface les mots de son pied. Furieuse, Amélia détale en proférant des jurons. Elle le raconte plus tard à Thibault dans leur cabane où ils sont enfin tous les deux. Il explique d’ailleurs qu’il n’a plus envie que sa sœur joue avec eux, puis insiste pour aller faire une razzia à la mare. Là-bas, en jouant aux flibustiers, les deux adolescents passent leur dernier instants d’innocence. Amélia en a plus conscience que Thibault.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En choisissant d’adapter le roman de Flo Jallier, Fred Pontarolo met en image la cruauté du monde appliquée à la post-décolonisation. Chaque génération dit « c’était mieux avant »… en tout cas pas en Martinique en 1872, malgré l’abolition de l’esclavage 24 ans plus tôt. Castes, droit de cuissage, racisme et bien d’autres travers perdurèrent bien au-delà de cette bonne résolution, faisant de cruels dégâts. Les déchainés illustre parfaitement les enjeux qui, déjà, à l’époque, tiraillaient les hommes. Le pouvoir, l’envie, la manipulation et la traîtrise pour les adultes, alors que c’est l’amour qui préoccupe toujours les ados. Le trait plutôt nerveux, assoupli par le travail sur les fonds d’images et la coloration, figure bien la chaleur moite de l’atmosphère. La personnalité de Gomez est celle qui marque l’histoire autant sur le plan visuel que du scénario. La légèreté des jeunes face aux lourds secrets des adultes, qui l’emportera ? La vilénie est le propre de l’Homme depuis longtemps, elle s’est toujours adaptée à son époque. Et malgré les lois qui montrent littéralement patte blanche, le peuple a sans cesse été manipulé, bafoué et spolié, Les déchaînés sont aussi là pour le rappeler. Et dans cette mer de noirceur au soleil, surnage une belle et pure histoire d’amour, qui perpétue une tradition anglaise à une époque, française à une autre, celle des histoires qui finissent…?