L'histoire :
Début août 1938, le bluesman Robert Johnson est de retour à proximité de la ferme de son enfance. Il est solitaire, il porte un beau costume rayé et un beau chapeau qu’il aime coiffer de travers. Il tient une guitare en bandoulière, une bouteille d’alcool à la main et il fume clope sur clope. Il se souvient de son environnement d’enfant, de la vieille Ford T abandonnée dans un champ, dans laquelle il aimait faire semblant de conduire. Il s’arrête quelques minutes sur la tombe de Virginia, sa femme décédée lors de l’accouchement de leur enfant, également décédé. Il se courbe en deux le temps d’une violente douleur à l’estomac. Il repart à pied, comme il est venu, le long de la route qui passe par ce carrefour dont il a forgé la légende. Il a en effet fait croire à tout son entourage que ses phénoménaux progrès à la guitare étaient dus à un pacte avec le diable, spirituellement signé à cet endroit précis. Le soir tombant, il rejoint Juke Point, un bar où tous les noirs américains qui aiment la musique se donnent rendez-vous. Il écoute un collègue s’accompagner à la guitare sur une chanson assez vulgaire. Il se fait payer par une amie une bouteille de whisky, qu’il descend d’une traite. Mais les douleurs le reprennent. Il sort en titubant et s’écroule au pied d’un grand arbre. Un attroupement se crée autour de lui, qui lutte pour ne pas sombrer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Noir américain et hobo, Robert Johnson (1911-1938) est considéré comme l’inventeur du Blues. Il fut en effet un tel précurseur et génie de la guitare, qu’on veut bien croire à la légende du pacte avec le diable qu’il aurait signé à un Cross Road (un de ses titres phares). Il est le premier membre du « club des 27 », parmi les stars du rock à être violemment morts à l’âge maudit de 27 ans. Sa légende puissante et l’aube du blues noir américain en général ont déjà beaucoup inspiré Franz Duchazeau, auteur de Lomax, Le rêve de Meteor Slim et Blackface banjo. En auteur complet, Duchazeau entremêle Les derniers jours de Robert Johnson au présent (août 1938) avec ses propres souvenirs d’enfance et de jeunesse, au cours d’une non-linéarité onirique, sans transition, de 235 pages. Son trait charbonneux en noir et blanc, est virtuose s’agissant de dépeindre les décors réalistes, les vieilles bagnoles, les dancefloors rythmés, les locomotives, les rues animées des grandes villes, la campagne et les bayous du Mississipi. Hélas, il s’avère aussi imprécis sur les faciès des personnages – noirs, sans âge, souvent habillés pareillement – qu’on confond régulièrement dans un embrouillamini d’époques et une narration « globale ». Les puristes du blues trouveront aussi dommage que toutes les paroles des chansons soient écrites en français (ça « sonne » tout de suite très différemment…).