L'histoire :
Milan Klovisevitch, alias Clovis, va sortir de prison dans une heure et il considère toujours les taulards comme des moutons en survêtement. Quand vient le moment de retrouver la liberté, personne n’est là pour l’accueillir. Il prend seul le train pour Grenoble. Là, il entre à la suite d’un couple dans un immeuble, repère le nom qu’il cherche et trouve porte qui lui correspond. Il frappe et demande à l’occupant, un certains Charles, de lui ouvrir. Ce dernier est surpris de le voir déjà dehors, sa sortie était prévue dans 2 jours, normalement. Pour autant, il semble prêt à fêter l’évènement et propose de déboucher une bouteille. Mais Clovis ne veut pas s’éterniser et demande à récupérer ses affaires. L’affable vieillard le mène à une armoire sur laquelle se trouve une valise qu’il est trop faible pour descendre seul. Elle contient un pistolet Armington modèle 72, la seule chose que l’ex taulard est venu récupérer. Charles lui demande ce qu’il va en faire, tout en connaissant d’avance la réponse : son ami a visiblement un compte à régler. Il lui demande donc où « il » est, mais Charles feint de l’ignorer. Clovis s’apprête alors à partir. Rongé par la culpabilité, le vieil homme lâche le nom d’un club à Strasbourg. Il donne à son ami des clés de voiture ainsi que celles d’un coffre à la banque de Zurich, rue Montaigne. Après avoir brièvement remercié et encore refusé son hospitalité, Clovis quitte Charles sans parvenir à lui dire adieu. 15 ans plus tôt, dans la même ville, Charles est à la tête d’un groupe qui prépare le convoyage à haut risque de Mario Bartorelli, un membre des brigades rouges…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cette adaptation graphique sous le nom Les nuits de Saturne du roman Carnage, Constellation de Marcus Malte, annonce sa sombre couleur dès la couverture qui montre Clovis et Cesaria dans un face à face en noir bleuté empreint de gravité. Cette histoire de vengeance déjà saluée par le succès du roman, bénéficie d’une mise en image qui transcrit bien l’ambiance noire et dramatique du modèle. Il faut voir la détresse du petit bout’chou pris dans les rouages de cet implacable gâchis humain. Pierre-Henry Gomont (Rouge Karma, Crématorium…) offre à ses lavis une coloration intéressante, simple et soutenue, un peu onirique, bien pratique pour alléger le propos. Le scénario à la trame classique (celui qui a payé pour les autres revient pour se venger) est enrichi de cette union de deux âmes en peine, qui semble d’abord contre-nature à Clovis et qui, en même temps, est évidente dès les premiers instants de sa rencontre avec Césaria. En fait, toute l’histoire est en perpétuelle oscillation, que ce soit dans la personnalité des protagonistes à la fois dure et tendre, amoureuse et guerrière, affable et traitresse ; ou dans les émotions évoquées, passion, cruauté, amitié, vengeance, don de soi, avidité… la palette est large. C’est réaliste, même avec les rebondissements qui surviennent et les effets secondaires dévastateurs des révélations qui sont faites. À la fois cruel et beau, désespéré et plein d’humanité… Bref, un album bouleversant qui bénéficie de bases solides : un bon roman et une réalisation appliquée. La présentation de qualité ajoute du cachet à cet ouvrage abouti, qui rend hommage au travail des auteurs.