L'histoire :
Marie, blanche de peau, est infirmière de nuit au CHR de Mamoudzou, sur la plus grande île de Mayotte, une île française nichée dans le canal du Mozambique. Depuis des années, elle espère tomber enceinte… mais son infertilité durable la rend désespérée et dépressive. Et pour cause : son mari l’a quittée à cause de cela et elle vit désormais seule. A l’âge de 33 ans, une jeune fille-mère lui abandonne son bébé, pace que ce dernier a les yeux vairon… il est forcément le bébé du malheur ! Ce malheur fait aussitôt le bonheur de Marie, qui l’adopte et l’appelle Moïse. Les années passent. Ils adoptent un chien, qu’ils baptisent Bosco. Mais à l’âge de 14 ans, Moïse pose des questions insistantes sur ses origines. Et comme les réponses ne le satisfont pas, il tourne mal. Il se met à fréquenter un clandestin, comme lui, finalement. C’est le moment que choisit Marie pour faire un AVC, à l’heure du petit-déjeuner. Quand Moïse découvre sa mère étendue par terre, il… ne fait rien. Il passe une journée normale au collège, puis rentre le soir et retrouve sa mère toujours morte sur le sol. Le lendemain, il prend le bac avec son chien pour rejoindre Grande-Terre, où se trouve son copain la Teigne. Ce dernier se trouve avec Bruce, un caïd, le chef de Gaza, le bidonville local. En raison de ses yeux différents, Bruce prend immédiatement Moïse en grippe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a 99,9% de chances que vous, qui pouvez légitimement être intéressés par cette bande dessinée, soyez issus d’une classe sociale infiniment plus favorisée que ces adolescents mahorais (habitants de Mayotte) désœuvrés et dénués de repères moraux. La plongée dans ce microcosme à laquelle nous convie Gaël Henry – qui adapte le roman de la mauricienne Nathacha Apppanah – s’avère donc riche d’enseignements pour quiconque veut comprendre les mentalités parfois violentes de ces populations. Le récit partage avec son lecteur la destinée tragique de Moïse, enfant aux yeux vairons, adopté, en quête de sens sur ses origines, sur sa vie. La mécanique infernale et écœurante qui l’entraine en enfer est méchamment huilée. L’innocent et ingénu Moïse se retrouve confronté aux pires mentalités, aux pires individus ; et malgré l’accueil compréhensif de bonnes âmes (l’humanitaire et le flic), il ne trouvera que perdition, là où le romanesque réclamerait rédemption. La spirale des gangs est universelle. Ça se passe à Mayotte, mais cela pourrait tout aussi bien se dérouler dans un barrios de Caracas ou une bande marabuntas du Salvadore. Le voyage de Gaël Henry à Mayotte à l’automne 2017 a sans aucun doute beaucoup œuvré en faveur de la qualité réaliste de l’immersion. Son expérience de conteur et son talent de dessinateur, avec une griffe stylisé d’une grande justesse, parachèvent de rythmer idéalement cette histoire qui prend aux tripes.