L'histoire :
En Suède, il y a de grandes forêts et des gens bizarres au langage incompréhensible, qui forcent Noé à piocher au hasard dans sa collection de sourires (on lui avait certifié que tous les suédois parlaient anglais) à défaut de se faire comprendre. Noé marche depuis plusieurs jours. Il traverse la Suède pour rejoindre un village du nord-est pour une sorte de pèlerinage. Il avait imaginé faire des rencontres enrichissantes comme celles que font les héros de road-movie américain : un vieux sage, des ouvriers miséreux mais riches d’humanité, un méchant psychopathe ou une jeune femme perdue dont on tombe amoureux. A la place, il ne croise qu’une poignée d’autochtones parfaitement tous indifférents. Un soir pourtant, il a la chance de rencontrer un islandais polyglotte, plutôt sympa, à qui il explique son intention de rallier le petit village de Jokkmohk : son arrière grand-père, alors jeune philologue, y fut dépêché peu avant 1920 par le gouvernement français, afin d’entrer en contact avec des extraterrestres s’exprimant dans un basque parfait mais peu courant. C’est en lisant la dernière lettre de son aïeul à sa sœur, que l’envie de faire ce pèlerinage s’est imposé : il semble que Noé et le jeune philologue aient eu, au même âge, de nombreux points communs et en particulier une égale fragilité…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le format à l’italienne (horizontal), les personnages à l’apparence « playmobil » ou l’architecture légoïde confèrent à l’album, lors du simple premier feuilletage, l’allure d’une publication jeunesse à laquelle il ne manque plus que des couleurs flashy… S’arrêter à cette première impression serait néanmoins un énorme gâchis au regard de l’agréable surprise que nous réservent ce duo d’auteurs et leur attachant Noé. D’abord quête initiatique d’un jeune adulte peinant à sortir de l’adolescence (rien de tel que marcher sur les pas de ses aïeuls pour apprendre à se connaître et s’accepter), le récit se colore peu à peu d’une fantaisie inventive pour ne pas dire jubilatoire qui sert admirablement la narration. En bonus, l’ensemble est nimbé d’une douce poésie mise en valeur par la naïveté du trait et cette Suède mystérieuse, si différente de notre quotidien. De même, l’utilisation de l’espace large de la planche, où Elodie Jarret colle à loisirs cases et textes en se moquant de tout stéréotype, est une idée qui renforce notre attraction. On ne peut donc que vous promettre un agréable moment pour peu que vous vous laissiez faire en vous embarquant dans une histoire où extraterrestres à béret basque, père de famille se prenant pour le pinson du grand arbre, super pouvoir spécial et love story vous laisseront sur la langue le plaisir du pétillant.
