L'histoire :
Dans la nuit du 1er Novembre 1954, une trentaine d'attentats sont perpétrés simultanément sur le territoire algérien. Les cibles sont majoritairement des symboles de la présence coloniale française : des casernes, des postes de police et même de grandes usines ou de vastes propriétés. 7 morts sont à déplorer, dont un instituteur. L'opinion publique s'en émeut, sans avoir conscience que depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, un fossé s'est creusé entre les conditions de vie de la population musulmane algérienne et celles qui représente la présence française. Déjà, le 8 Mai 1945, on célébrait partout l'armistice. En Algérie, la foule contestait aussi la présence coloniale de la France. Les drapeaux nationalistes étaient de sortie. A Sétif, un drapeau algérien, interdit alors, était apparu dans un cortège. Un policier perdit son sang froid, ouvrant le feu et abattant le jeune arabe porteur du drapeau. Ses collègues tirèrent à vue dans la foule. Après la panique, l'émeute. Les 48 heures qui suivirent furent marquées par la riposte du peuple algérien. Parmi « les ressortissants Européens d'Algérie », on comptait alors 103 morts et 110 blessés. Les autorités françaises décidèrent de « marquer le coup » : les soldats ratissèrent les villages. On estima que 10 à 15 000 personnes furent tuées par les militaires français. Les algériens parlent aujourd'hui de 45 000 victimes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Natif de Constantine, Benjamin Stora est un historien (et professeur d'Université) bien connu pour ses nombreux travaux sur la Guerre d'Algérie. En compagnie du dessinateur Sebastien Vassant, il propose ici un récit qui est une reconstitution historique particulièrement riche. Des faits et rien que des faits. En quelques chapitres, les auteurs prennent le lecteur à témoin de cette sale guerre, qui n'est pas passée loin de devenir une guerre civile. Ils livrent ainsi d'innombrables clés de compréhension, parmi lesquelles les sources du nationalisme en Algérie, les mœurs des populations occidentales et cette forme de ségrégation qui ne disait pas son nom. Bien sûr, le contexte politique est finement appréhendé et de nombreux passages sont aussi consacrés à des témoignages (Benjamin Stora dit lui-même son mot au sujet du rapatriement qu'il a aussi connu avec sa famille). De l'appelé au Général De Gaulle, on navigue ainsi sur plusieurs plans narratifs et on éprouve le sentiment de s'enfoncer dans le conflit comme le pays entier a pu le faire. C'est donc un bouquin poignant, pour qui s’intéresse un tant soi peu à notre Histoire. Quant au lecteur profane, il trouvera là une mine d'informations, délivrées de façon objective. Rien de la vérité n'est épargné : les massacres de part et d'autre, l'Armée et la torture, la propagande, le rôle particulièrement trouble d'une partie des militaires, les risques de déstabilisation du régime et puis l'exode et les débuts de l'indépendance. On finit la lecture éprouvé, mais enrichi d'un dernier fait : ce n'est que depuis 1999 que nos élus ont voté la substitution du terme « opération de maintien de l'ordre » à « Guerre d'Algérie ». C'est dire aussi la forme de tabou qui a pesé sur ce qui fut aussi nommé, de façon particulièrement hypocrite et durant des dizaines d'années, les « évènements » d'Algérie...