L'histoire :
Dans sa cité, on le surnomme l’abricot. Ce soir là, notre gentil petit fruit lutte à armes pas du tout égales avec un sujet de dissertation coton : « Mon identité ». Fils d’immigrés, né en France, est-il français ? Étranger ? Les deux ? Aucun ? Simplement arabe ? Pas la peine de s’éterniser sur la question, il choisit laconiquement : méditerranéen. Et puis, c’est quoi ce sujet ? Le prétexte pour une prof, certainement flic refoulée, de faire un p’tit contrôle de pédigrée, en douce, l’air de rien ? Au moins, la prise de tête avec sa mère, son frère et sa frangine, pour éviter la corvée du pain est plus saine. Futile, inutile, mais pas tordue. Et puis la boulangerie en bas des barres d’immeubles, c’est bien cool : on y croise les sourires des jolies filles et les bleus de la BAC friands des contrôles inopinés… Le lendemain, c’est une autre musique : à la bourre, c’est au pas de course qu’il faut rallier le bahut. Comble de chance, le prof exige un mot du CPE et super pas de bol, notre retardataire à oublié son carnet de correspondance et il ne retrouve pas sa carte d’identité. Pour les cours, c’est pas très grave, il y a la gentille Louise, mais pour la carte comment faire ? Peut-on rester en France si on n’a pas de papiers ? Par sa faute, sa famille va-t-elle avoir des ennuis ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Au moment où notre vie politique s’anime autour de la question de l’identité nationale, le hasard du calendrier permet à Halim Mahmoudi d’apporter sa contribution dessinée au débat. Il a lui-même vécu longtemps au cœur d’une banlieue dite sensible. Il a, longtemps, senti le poids du nom ou de la photo peser sur sa carte d’identité ; vécu l’humiliation ; les violences institutionnelles frontales ou diffuses ; grandi avec l’idée de ne pas mériter mieux… Alors cet héritage en forme d’exutoire, il le confit pour 3 albums à Arabico, un français d’origine algérienne qu’il fera grandir au rythme du triptyque Républicain. Ce premier volet nous plonge immédiatement et avec violence au cœur du débat : l’identité, c’est d’abord la carte que perd notre héros (d’ailleurs, en parlant d’identité, on ne connait même pas son vrai prénom…). Réducteur comme approche ? Pour notre collégien, il semble pourtant qu’elle soit un sésame indispensable pour vivre dans notre société : médias, police, école, famille ne se chargent-ils pas, d’ailleurs, de conforter cette angoissante idée? Avec la carte, pas toujours facile, même avec bac +5, si on ne s’appelle pas Xavier. Alors imaginez sans… On l’aura saisi : pour Halim Mahmoudi, il y a urgence à faire passer le message. Urgence à mettre un coup de projecteur sur le ghetto. L’intention est là et on la sent jaillir en gerbe sous plume et pinceaux : une rage militante à peine contenue. Bien que nécessaire, et outre le dessin séduisant, le récit se laisse malheureusement piéger par de nombreux clichés que relayaient déjà en leur temps les raps vitriolés. De même, le manque de fluidité de la narration (aïe, aïe, aïe les sauts temporels et la conclusion) fait perdre le fil trop souvent et ne parvient pas à rendre le héros touchant : un angle qui, plus que la colère, serait vraisemblablement plus fédérateur. A méditer.