L'histoire :
Sur son trône, le Dieu des enfers se morfond. Il maudit les humains, autrefois ses frères, pour ne rien savoir ou comprendre du Bien comme du Mal. Les humains le craignent et ils ont raison. Lui ne connaît à présent que la haine. La haine d’un genre qui l’a trahi, meurtri jusqu’au plus profond de sa chaire, de son âme. De son fidèle compagnon Owen, le seigneur d’outre-tombe n’a laissé qu’une tête afin qu’elle écoute ses cris. Son histoire commence par une froide journée, une femme brave alors l’hiver à cheval. Attaquée au détour d’une crête par un troll sauvage, la guerrière fait face, terrorisée mais fière. Elle défend crânement sa vie et s’apprête pourtant à la perdre lorsqu’un étranger vient à son secours. Dag le colosse sauve ainsi Siamh l’orgueilleuse qui en tombe amoureuse. De leur couple naît d’abord des jumeaux, Math et Kern, jusqu’à l’arrivée du noir Bran qui, après avoir pris la vie de Dag dans son sommeil, viole sa compagne. Si Siamh réussit à se venger et vaincre le Maudit, grandissent en elle les fruits de cette engeance coupable. La guerrière décide de garder les deux nouveaux jumeaux à venir : les osselets lui ont prédit la haine, le néant mais aussi la divinité pour le « premier » de ses fils. Ainsi naquît Arawn, châtré de naissance, répudiée pour cette raison un temps par sa propre mère, nourri aux mamelles d’une louve et promis à l’enfer…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Parfois la narration devrait se taire, ainsi lors du combat opposant la belle guerrière à l’ogre des débuts. Après les quelques pages d’introduction en voix « off », efficaces et pesantes à souhait, une bonne dose d’action pure aurait été la bienvenue, laissant le seul dessin sublimer l’ensemble. Car plus qu’un scénario à des égards très convenus pour le genre, Arawn propose un univers graphique magnifique. Le trait de Sébastien Grenier – bien qu’encore un poil vert – l’habille de sa superbe. Auteur invité au tome trois des Légendes de la Table ronde, Grenier fait ici son entrée par la grande porte dans le monde de la bande dessinée avec un album aux planches très travaillées, un crayonné fin et maintes fois affiné, et une mise en couleurs soignée aux petits oignons. C’est beau et c’est tout. On peut ne pas aimer la fantasy « pure » (sans humour et sans fioritures), reste que le rendu visuel demeure indéniable. Il manque cependant de puissance pour tout emporter. Au contraire de comics experts en la matière, Arawn pêche par un découpage trop sage (comme l’absence de pleines pages) et un souffle épique ainsi contrarié. 4 élus, 4 attributs, 4 épreuves. Un héros damné, réprouvé, au destin connu d’entrée. Des références empruntées ça et là, le titre présente tous les éléments du genre mais peine à les sublimer. Point de défaut majeur mais point aussi de forces propres à le différencier de la masse considérable éditée dans le genre. Ronan Le Breton devra par la suite se lâcher pour convaincre vraiment et permettre, par là même, à Grenier de briller.