L'histoire :
En 1916, un jeune juif pauvre d’Odessa, Isaac Babel, se présente à Maxime Gorki pour écrire dans une revue de littérature à tendance socialiste, à Pétrograd. La nouvelle qu’il présente est publiée dans les Annales, mais très vite Gorki conseille au jeune homme de vivre les choses avant de les écrire. Babel s’engage comme correspondant de guerre dans la cavalerie rouge de Boudienny. Il raconte d’abord le passage du Zbroutch, un cours d’eau de l’ouest de l’Ukraine, dans lequel montures et chariots s’embourbent sous une lune majestueuse. Puis dans l’Eglise de Novograd, Babel raconte sa rencontre avec le vicaire de l’église, le curé s’étant enfui. Les cosaques trouvent cachés derrière les tableaux de l’église, derrière les crucifix, des pièces d’or, des sacs, des billets de banque… Un tableau dans cette même église rappelle au poète l’histoire de pane Apolek, un peintre itinérant qui peignait les apôtres et les saints sous les traits des villageois qui le rémunéraient…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Une adaptation est toujours une chose difficile. C’est un travail d’équilibriste, entre la fidélité à l’œuvre originale et le nécessaire apport artistique de l’auteur. L’adaptation d’un recueil de nouvelles est d’autant plus difficile à réaliser, d’autant que l’on parle ici d’un chef d’œuvre mondial. Isaac Babel est devenu avec Cavalerie Rouge l’un des plus grands auteurs russes du XXème siècle. Mieux, ou pire, ce succès lui vaudra persécutions, tortures et exécution. Jean-Pierre Pécau livre une adaptation pleine de finesse et de sensibilité, qui met en valeur la richesse de la prose de Babel, tout en laissant le soin à Djordje Milovic de porter lui aussi la narration au sein de cases sans texte. La délicatesse de l’aquarelle du dessinateur serbe rehausse la beauté et la puissance du texte qui est d’une simplicité incroyable, et d’une efficacité effrayante. On voyage à travers toute la Russie au côté de ce jeune lettré, qui fait surgir la beauté dans la boue et le sang, la grandeur dans la violence et la peur. C’est une expérience dont on ressort à la fois enchanté et un peu K.O., selon si l’on a lu avec la tête ou avec le cœur.