L'histoire :
En 1956, dans la rue des Canettes à Paris, Céleste regarde par la fenêtre. Son mari Odilon est appelé par une domestique, et il lui indique qu'elle a de la visite. La vieille dame voit arriver chez elle deux jeunes gens apprêtés. Ce sont des antiquaires, spécialisés dans la vente d'objets ayant appartenu à des grands noms. Et s'ils sont ici, c'est qu'ils savent que Céleste aurait peut-être des choses qui pourraient les intéresser. Alors, Céleste commence à leur donner ce dont ils ont envie, et les antiquaires affirment même que les histoires liées aux objets leur donneront encore plus de valeur. Alors, elle commence le récit de sa propre vie, qu'elle a mise au service d'un grand nom de la littérature : Marcel Proust. Alors qu'elle n'avait qu'une vingtaine d'années, son mari était en effet le chauffeur de Marcel Proust. Au cours d'une discussion, l'écrivain demanda à Odilon des nouvelles de sa femme. Il indiqua qu'elle ne sortait que très peu de chez elle, et qu'elle ne savait rien faire. Marcel Proust lui fit tout de même une proposition : qu'il demande à Céleste si elle serait intéressée pour porter ses colis. En rentrant chez lui le soir même, Odilon en parla à Céleste, en lui demandant d'accepter l'offre, de faire un effort. A contrecœur, et quelque peu effrayée, la jeune femme accepta. Elle fit alors un premier pas dans la maison de Marcel Proust, et n'aurait pas imaginé que cela lui permettrait de partager son quotidien pendant plusieurs années...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après nous avoir proposés les très beaux albums BD Mauvais genre, Les belles personnes ou encore La croisade des innocents, Chloé Cruchaudet revient avec un nouvel ouvrage, le premier d'un diptyque consacré à Céleste Albaret, qui fut la servante de Marcel Proust. Elle s'intéresse à cette femme, dans l'ombre de l'artiste, et qui pourtant, a contribué à nourrir son imagination, qui a été à la fois un soutien indéfectible mais aussi une source d'inspiration. Céleste venait de la campagne, le monde huppé parisien lui était complètement étranger lorsqu'elle se mit au service de l'écrivain. En occupant cette position, ils devinrent tous les deux interdépendants : elle, découvrant les mondanités et l'humain capricieux, lui, séduit par sa spontanéité et sa fraîcheur. L'autrice s'intéresse à cette femme dont on ne parle pas, à sa relation si singulière et intime avec Marcel Proust. Graphiquement, la colorisation à l'aquarelle vient apporter de la douceur aux personnages contourés de noir. Quelques planches sont totalement libres de cases ou de codes, laissant l'onirisme prendre le dessus, laissant les sens s'affirmer, à la manière de l'écriture de Proust. D'ailleurs, même si Céleste reste le personnage central, l'écrivain qu'elle adore prend une grande place dans sa vie, et donc dans la bande dessinée. C'est donc tout naturellement que quelques passages viennent citer ses œuvres les plus connues. Cette première partie très réussie met en lumière une femme fidèle à un grand artiste, mais qui apporte aussi un éclairage sur le processus créatif de l'artiste. En cette année du centenaire de la mort de Marcel Proust, Chloé Cruchaudet lui rend un bel hommage.
