L'histoire :
Jérome Caravell fait la teuf. Chez lui c'est rempli de stagiaires bien roulées et de mecs branchés. Etre trader, c'est mieux qu'être président des Etats-Unis et Wall Street est l'endroit rêvé pour se faire de la grosse thune sans scrupule. Le pied quoi ! Il avait compris tout ça bien avant d'intégrer la société lyonnaise avec son bac +7, lui-même stagiaire, à l'époque. Seul lui importait d'être quelqu'un parmi les requins du quartier des affaires, où si tu n'as pas de Rolex au poignet, tu n'es rien. Le fric, c'est son truc, c'est comme ça. Aucune pitié pour cette sous-population que sont les classes moyennes et ouvrières, méprisables fourmis qui n'ont rien compris à la vie. Malgré tout, un jour, depuis le confort humide de son jacuzzi, il voit s'avancer les flics de Wall Street dans son jardin, puis c'est la taule. Après un procès éclair, il est condamné à 104 ans de prison et à rembourser 5 milliards de dollars… pour avoir fait s'effondrer le système des retraites à son profit. Quand Jérôme confesse qu'il ne comptait plus depuis un moment, à force de drogues et de filles, le juge lui balance son marteau à travers la figure. Direction Riker's Island pour une centaine d'années. Cinq ans plus tard, libéré pour bonne conduite, il sort triomphant de sa geôle, après un pot de l'amitié offert par les prisonniers et presque le baise-main de la part du directeur… qui pourtant avait été lui-même ruiné par les magouilles pantagruéliques de l'artiste aux beaux discours. Comme il dit, le charisme, on l'a ou on l'a pas. Et il se voit déjà dans un nouveau costume à sa mesure, celui de mafioso. Suffisamment connecté aux milieux de toutes sortes, il se retrouve vite parachuté sur un des tentacules de la pieuvre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Associations de malfaiteurs en vue : un scénariste de l'avant-garde du cinéma français, Yannick Dahan, et un dessinateur à la culture Stan Bruce Lee mâtinée d'une touche de mastoc, Amazing Ameziane. Ces deux mafieux, qui en sont à leur premier coup ensemble, sont de la bonne graine de parrains, à n'en pas douter. D'ailleurs, ça défouraille à tout va sur les milieux en général et dans les grandes largeurs. Les moult clins d'œil subtils voir très appuyés à ces systèmes sans vergogne qui détruisent des millions de vies directement ou indirectement, sont autant de gages de la bonne foi de ces deux affranchis tout frais. Ils livrent un album insolite, un peu BD, un peu guide, un peu biographie, un peu léger, un peu sérieux. Débordant d'humour jusqu'à l'éclat de rire parfois, ce gentil pamphlet déguisé au quatrième degré mêle des planches « mode d'emploi du parfait affranchi » avec l'histoire de Jérôme Caravelle, vaguement inspirée de celle du chevalier des temps modernes, Jérôme Kerviel. Le trait, aussi épais que les sourcils des protagonistes, accentue l'impact des personnages cossus de cette galerie de gueules caricaturées ; au milieu desquels Jérôme, avec un air de Bebel dans le Guignolo, laisse une empreinte indélébile de son passage. Les couleurs et la macrocéphalie ambiante donne une atmosphère à la Tarantino qui s'accorde à merveille avec le sujet. Un style ludique et varié, où le rythme sera difficile à tenir pour qui enchaînera de manière linéaire cette BD-guide du mafieux. Agréable divertissement, riche d'enseignement, Devenir Mafieux est un bon moyen de comprendre, sous un nouvel angle, que le marasme actuel est le fruit des places financières et des mafias.