L'histoire :
Jennifer, 16 ans, jeune fille bien dans son époque, avec le string qui dépasse du jeans taille basse, suit un cours de philo avec sa classe (sur la place du sacré dans le monde moderne). Lorsque soudainement, elle tombe dans les pommes. Appelée sur place, sa mère est alors reçue par le proviseur qui lui annonce avec une certaine gêne les conclusions de l’infirmière du bahut : Jennifer est enceinte. C’est la crise. L’adolescente ne parvient pas à faire comprendre à sa mère, folle de rage, qu’elle n’a réellement jamais couché avec un garçon… Bien entendu, le gynécologue qu’elles consultent toutes deux, afin de programmer l’avortement, est tout aussi sceptique. Mais il peut comprendre l’embarras de tels aveux et consent à ausculter Jennifer. Le médecin change vite d’avis : elle est effectivement vierge… et néanmoins enceinte de 8 semaines ! La tête dans ses mains, le père de Jennifer, ancien alcoolique, en devient mystique : c’est Dieu qui les punit ! Il fait effectivement le lien avec un célèbre cas similaire d’immaculée conception, ayant eu lieu quelques 2000 auparavant… Jennifer, elle, se fait larguer par son mec (elle l’a forcément trompé pour en arriver là) et veut avorter à tout prix. Mais les scientifiques voient dans ce cas, une occasion unique d’étudier l’auto-fécondation chez l’humain, telle qu’elle a lieu chez certaines espèces d’escargots…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’histoire est vieille comme le monde et elle n’a pourtant quasiment jamais été réutilisée depuis 2000 ans ! Le propos vise ici effectivement à transposer le mythe de l’immaculée conception à notre époque contemporaine, avec tout ce qu’un tel mystère implique dans notre vie moderne. Intelligemment, les auteurs préfèrent évoquer ce sujet piquant à travers le prisme sociologique et scientifique, plutôt que d’insister sur les aspects ésotériques de la chose, comme c’est actuellement à la mode (et reconnaissons-le, un peu pompeux, à force). Il s’agit avant tout de « comprendre » le phénomène, en en explorant rigoureusement les causes et conséquences pragmatiques. Dans ce sens, la piste des gastéropodes s’avère tout à fait sérieuse… Voilà de quoi dévaster nos symboles sacrés : la Sainte Vierge aurait-elle eu elle aussi, à son époque, un petit dysfonctionnement technique qui la rapprocherait de l’escargot ? Quid alors de la légitimité de Jésus ? Une telle auto-conception pose également quelques controverses en matière de génétique : s’agit-il d’un clone ? D’un point de vue éthique, quel droit Jennifer a-t-elle alors sur son propre corps ? Prévue en trois tomes, avec la promesse d’une issue insoupçonnée, l’intrigue de Barbara Abel nous promène ainsi aux côtés de la pauvre Jennifer, entre thriller et étude de société. Le dessin est quant à lui assuré par Gérard Goffaux, dans le privé compagnon de la scénariste. Sa ligne graphique réaliste est proche de l’école américaine des Milton Caniff ou Alex Raymond, et s’accompagne d’une certaine rigidité dans les attitudes des protagonistes. Il n’empêche qu’on est très impatient de voir se développer cette idée originale habilement exposée…