L'histoire :
A la fin des années 20, la ligne aérienne qui relie Buenos Aires à Santiago du Chili est connue pour être la plus belle et la plus dangereuse du monde. la Cordillère des Andes a déjà été franchie des dizaines de fois, mais elle ne l'est que par des pilotes chevronnés, qui savent que la moindre avarie en vol sera mortelle. Henri Guillaumet est de ceux-là. Contemporain de Jean Mermoz et de Saint Exupéry, il doit subir une longue période d'apprentissage mécanique pour passer du statut de pilote militaire à pilote de l'aéropostale. Une initiation qui en dit long sur la prise de risque de ces aventuriers du courrier aérien. La détermination des pilotes à convoyer le courrier au-delà des obstacles naturels les plus imposants est totale. Des pionniers conscients du rôle qu'ils jouent dans l'histoire naissante de l'aviation commerciale, portés par le souffle absolu de l'aventure. Après des débuts sur de courtes lignes d'Afrique du Nord, il rejoint la base aérienne argentine de Colina. Un matin de juin 1930, alors qu'il a du rebrousser chemin la veille, Guillaumet se lance par un temps clair au sol, mais nuageux sur les cimes. Condamné à monter plus haut que jamais pour franchir un tapis de nuages, il perd soudain de l'altitude, et se trouve contraint à un atterrissage forcé. Quelques minutes plus tard, son Potez 25 est cloué au sol, tête en bas, hélice cassée, au cœur des montagnes couvertes de neige. Après avoir mis sa cargaison de courrier à l'abri, en voyant que ses amis passent au dessus de lui sans le voir, il décide de rejoindre à pied la ville la plus proche, à plus de 70 km de là. Equipé de son blouson d'aviateur et de quelques vivres, Guillaumet se jette à l'assaut des cols de la Cordillère des Andes. Pendant ce temps, Saint-Exupéry et les autres effectuent des survols répétés de la zone pour tenter de retrouver l'avion de leur compagnon...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sous la plume experte de Christophe Bec, cette aventure concernant l'un des grands noms de l'aviation du début du siècle, est prenante et se lit en immersion totale. Un thème aussi fort que celui d'un naufrage aérien et de la lutte d'un homme pour sa survie, demande simplement un traitement à la hauteur, qui fasse ressortir la dimension héroïque de son personnage. Le scénariste s'y prend parfaitement, en démarrant par la nécessaire formation, dans les ateliers de Montaudran, d'un homme qui ne rêve que de grands espaces. Les relations de camaraderie avec les grands noms de l'aviation sont également idéales pour construire cette solidarité sans faille qui va se manifester tout au long de cette extraordinaire épopée. Si bien que lorsque Guillaumet prend son envol en page 10, le lecteur est parfaitement préparé, un peu comme s'il avait lui aussi chaussé ses lunettes d'aviateur. Dès lors, le dessin de Patrick Dumas et les couleurs de Chiho Saito se complètent remarquablement pour donner une touche réaliste à ces paysages de montagnes enneigées, qui prennent, sous la palette informatique, une forme d'irréalité froide propre au suspense. Les 54 pages de l'album se lisent sans effort et surtout sans qu'il soit à aucun moment nécessaire d'aller « wikipédier » les noms ou les lieux pour mieux comprendre les ressorts de cette histoire. Une belle tranche d'aventure glacée, à lire bien attaché dans son fauteuil.