L'histoire :
Au cœur de l’Amérique du Nord, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, Français et Anglais luttent pour s’approprier des territoires encore occupés par les Mohicans, les Iroquois, les Ottawa ou encore les Hurons. Le fort William Henry, tenu par le colonel anglais Munro, est à l’époque un objet symbolique des rivalités franco-anglaises pendant la guerre de sept ans. C’est alors que John Greenwood est envoyé par les Anglais pour transmettre une missive aux filles de Munro et au général Webb. Arrivé à la Red Tavern, il est interpellé par un soldat qui lui demande son identité. Soudain, le coup porté à la tête de John Greenwood, d’une violence inouïe, finit par le tuer. Celui qui l’a frappé n’est autre que Magua, dit Renard Subtil, chef huron déguisé en soldat, chassé de sa tribu pour alcoolisme et fouetté par le colonel Munro pour la même raison. Mais pourquoi Magua a-t-il tué ce soldat ? Un peu plus tard, Chingachgook, chef mohican n’appartenant à aucune armée, regarde passer le corps du soldat dans l’Hudson River. En l’observant, il devine qu’un nouveau conflit se prépare entre Français et Anglais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ni une BD classique, ni même une adaptation banale, Le dernier des Mohicans tend plutôt vers le roman graphique. Objet étrange alternant voix off, dialogues, récits descriptifs ou poétiques et citations, ce livre surprenant est tout entier porté par la beauté de ses peintures et le romantisme de ses paysages bruts. Il brille aussi par sa galerie de portraits esquissés, en forme d’hommage aux Indiens, magistralement rendue par des teintes ocre, rouges et sauvages. Il aura fallu plus de deux années de travail acharné à Cromwell pour aboutir à un tel résultat. Et il est de toute beauté, graphiquement. Les coups de pinceaux vifs, secs et néanmoins précis, conjugués à la maîtrise de cadrages variés sont de beaux échos à la tonalité tragique de cette méditation. Le découpage narratif est en revanche plus discutable. Pensé comme une pièce de théâtre en trois actes, découpé en 14 grandes scènes focalisant sur les nombreux personnages et ponctué d’une dizaine de citations (parfois inutiles) tirées de romans plus ou moins connus, ce récit exigeant et complexe pourra perdre le lecteur inattentif. Le dispositif scénaristique, en variant les éléments narratifs (cartes, descriptions…) et en multipliant les pauses, saccade de temps en temps le rythme de lecture. Certains passages, un peu confus, manquent parfois de liant et y auraient sans doute gagné en fluidité, sans ces changements de tempo trop récurrents. Par ailleurs, si le lecteur ne maîtrise pas les éléments de base du roman, des relectures seront alors peut-être nécessaires pour bien saisir les relations complexes qu’entretiennent tous ces Indiens et ces colons. Mais synthétiser en 118 pages un roman qui en contient plus de 400, relève de la gageure. C’est en tout cas un très bel objet, au lyrisme envoûtant, plutôt novateur (peut-être trop ?) sur le plan formel. Poésie et dépaysement tiendront le lecteur en haleine dans ce récit nostalgique décrivant la fin d’un monde, celui des Indiens, et suggérant la naissance d’un nouvel eldorado, les Etats-Unis…