L'histoire :
La salle des trophées de l’empereur Auguste recèle de merveilles comme ce fragment de miroir, reflet d’une grandeur présente et relique d’un terrible passé. A l’invitation du couple impériale, Virgile s’emporte et, sous le patronage de Clio, débute la narration de l’épisode peut-être le plus fameux de l’Odyssée d’Enée. Une prophétie annonça en son temps à la reine Didon, en charge du destin de la puissante Carthago, qu’un jour viendra où la planète colonisée par les Troyens détruira la sienne : à Zama, la Rome fondée par Enée soumettra la Punique avant de l’anéantir complètement. Acculée, la souveraine décide en concertation avec le général Barca d’attaquer les premiers. Mais la prenant de court, Enée parvient à établir un contact et, invoquant la volonté de sa mère Vénus, il enjoint à la flotte carthaginoise de laisser ses vaisseaux aller en paix. A ses mots, les pensées de Didon se troublent. La flèche de cupidon dépêché par la déesse s’est fichée en son cœur. Alors que la raison lui demande d’exterminer les Troyens pour le salut de son peuple, la voilà qui les accueille à bras ouvert en son palais…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
S’il on jette un œil à la carte des voyages d’Ulysse et Enée figurant en habillage intérieur, difficile de savoir combien d’aventures il reste à nos héros avant d’atterrir en terre promise. Déjà 4 tomes d’une série qui mêle Histoire, mythologie et Science-fiction… avec une réussite inégale selon les épisodes et avis. Car depuis ses débuts, si les qualités de la série demeurent, ses défauts aussi. Publié sous l’égide de la nouvelle collection Quadrant solaire, Carthago s’inspire du chant 4 (justement), peut-être le plus fameux de l’Enéide. Virgile évoque dans son poème (et dans la BD) les amours du prince troyen et de la reine Didon, une aventure sans lendemain puisque contraire aux destinées qui verront Rome détruire l’orgueilleuse cité punique et, ainsi, asseoir son hégémonie en Méditerranée. Plus que de coutume usité, la voix « off » induit un sentiment d’extériorité, parfois même des accents maladroits (grandiloquents autant que théâtraux), alors qu’en principe le procédé permet une intimité, suggère une introspection complice. Jouets des dieux, difficile de s’attacher à des héros très humanisés, manquant visiblement de charisme. Le trait de Thierry Démarez présente toujours une esthétique fine, aux couleurs appliquées mais l’ensemble (les personnages surtout) garde un côté trop statique, brimant toute possible envolée lyrique. Les jeux de miroirs sont nombreux et les passionnés, à l’instar de Valérie Mangin, aimeront à reconnaître les allusions subtiles à la légende (homérique notamment, Virgile s’appuyant sur la grandeur des vaincus afin de légitimer l’imperium romain). Il n’empêche, à l’image de la couverture, plus spectateur qu’acteur, le lecteur en ressort partagé, tiraillé entre le plaisir de clins d’œil judicieux et une adaptation souvent frustrante…