L'histoire :
Pendant l’été 1936, Fernand Tormes quitte sa Provence natale pour monter à Paris, en vue d’y étudier la médecine. Il n’a qu’une idée : s’encanailler avec son copain André dans un Paris que le Front Populaire a rendu effervescent. Bien malgré lui, quelques péripéties entrelaçant trafics d’armes, funeste accrochage avec des fascistes et cocufiage, le contraignent à partir avec une bande de copains communistes en Espagne. Là-bas, les Républicains s’opposent aux Nationalistes de Franco qui tentent de prendre le contrôle du pays. C’est donc en tant que membre des Brigades Internationales que Fernand, en novembre 1936, se retrouve à jouer les brancardiers autour de Madrid assiégée. Le gouvernement a fui vers Valence et une poignée d’irréductibles, dont notre ami, est bien décidée à se battre jusqu’au bout. Fidèle à lui-même, Tormes tente sa chance à qui mieux-mieux auprès de la gente féminine locale. Il va même jusqu’à faire une priorité de l’achat d’un dictionnaire franco-espagnol lui permettant de faire ses gammes rapidement. Pour autant, la réalité du terrain est là qui le rappelle à l’ordre quotidiennement lorsqu’il s’agit, sur le champ de bataille, de courir de trous d’obus en trous d’obus pour sauver un blessé. Et que dire de l’angoisse qui sert le ventre, de trouver un copain dans le prochain trou…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Emballés par une première rencontre savoureuse avec Fernand Tormes, le jeune marseillais venu faire sa médecine à Paris en plein Front Popu et guerre civile espagnole, nous attendions particulièrement ce 2e opus. La force romanesque du récit, la stature du héros, le contexte historique ou encore l’excellence des rebondissements, avaient agi comme des centaines d’aiguillons pour nous lier immédiatement. Ici encore, la claque est de belle taille. Plus encore sans doute, parce qu’elle gifle une partie de la joue qui n’avait pas été touchée la première fois. Pour bien comprendre, résumons chacun des deux chapitres par un court extrait. On pouvait ainsi réduire Les chambres à cet aphorisme jaillissant dans l’esprit de Fernand alité en bonne compagnie : Mourir pour des idées ! Alors qu’on est si bien aux plumes avec la femme aimée…. Ici pour Les batailles, on préférera ce constat lové au creux du même homme, un soir alors que vient de cesser le combat : Le temps des héros insouciants s’était achevé. C’était le décompte qui commençait. Combien allait tomber parmi nous ? Fini Paris. Finis la douceur de vivre, la bagatelle insouciante, le détachement bravache au monde qui s’anime en laissant glisser sur soi, avec plus ou moins de réussite, les évènements. Finis pour nous le romantisme et les couillonnades vaudevillesques. Voilà Madrid encerclé. Et notre pauvre engagé dans les brigades internationales qui grandit et nous fait grandir avec lui. Finie la fraîcheur juvénile du 1er couplet. Ce sont les sphincters qui partent en vadrouille au moment d’ajuster le Nationaliste, la mort qui rôde en attrapant les copains et la violence pour compagne, sans jamais se demander pourquoi on est là… Jean-Sébastien Bordas sait incontestablement y faire. Il décrit ce conflit si particulier avec rigueur et une vraie force littéraire (des phrases courtes et claquantes). Pour autant, il convoque toujours avec habilité la tendresse, l'humour et les rebondissements (quel final à nouveau !) pour nous inonder d’humanité. Et puis évidemment, pour qui aime la veine graphique moderne, ajustée par sa colorisation, le dessin est à nouveau poignant. Particulièrement du coté de son aptitude à mettre en mouvements notre sensibilité : tout aussi capable de dégommer nos zygomatiques que faire courir sur notre peau des frissons. Visez déjà la couverture ! Ce petit coté Dormeur du val. Rien que ça. Ça ne vous fait rien ?