L'histoire :
Octobre 2007, quelque part sur une route de Vendée. Une famille vient de s’arrêter sur le bord d’une départementale afin de déjeuner et se reposer. Alors que les parents sortent la glacière de la voiture et vaquent à leurs occupations, leurs deux enfants, Océane et Rémi, jouent à cache-cache dans les bois. Peu à peu, les voix des enfants s’éteignent, ne laissant place qu’au simple murmure des feuilles. Surpris, puis inquiets, les parents partent à la recherche de leurs enfants. Soudain, prise de panique, la mère aperçoit au sol la casquette rouge de son enfant. Plus loin, le père a retrouvé sa fille Océane, hagarde, muette, les yeux dans le vide et manifestement choquée. Que s’est-il donc passé dans ce bois sombre et inquiétant, en ce 26 octobre 2007 ? Un an plus tard, en octobre 2008, une nouvelle disparition a lieu, cette fois-ci au château de Tiffauges, près d’une grande forêt. Encore une fois, il s’agit d’un jeune garçon. Peu après, l’inspecteur Gilles Deray est appelé sur les lieux de la disparition, afin de faire toute la lumière sur cette étrange affaire…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour ce one-shot mêlant fantastique et réel, le duo d’auteurs Corbeyran/Horne récidive après avoir œuvré notamment sur les tomes 5 et 6 du Maître du jeu et proposé une adaptation réussie du célèbre roman de Kafka, La Métamorphose, chez Delcourt. Stakhanoviste du scénario, reconnu et honoré par ses pairs, Corbeyran n’est plus à présenter au grand public. Quant à Horne, l’univers sombre et glauque déployé dans La Métamorphose en impose encore un peu plus dans cette nouvelle parution. La couverture annonçait la couleur : le récit serait à la fois sombre et sanglant. Si cet album est réussi, c’est en partie grâce à la complémentarité de deux univers à la fois opaques et froids, glaçants et troublants, proposant une alchimie fluide et efficace. Le scénario, à la fois classique dans son enchaînement et original par la diversité des ambiances déclinées, réussit à mêler de manière étonnante chronique sociale, fantastique, horreur, sorcellerie et Histoire, dans un savant dialogue entre passé et présent, réel et fiction. Il y est aussi question de folie, de pulsions refoulées, de schizophrénie à propos du personnage central, Gilles Deray (ou Gilles de Rais?), homme hanté par ses démons et jouet d’un inconscient torturé. Ancré dans le présent, mais aussi écho à l’Histoire, Gilles de Rais cristallise l’horreur et la folie de deux époques minées par l’absence de repères. Porté par un trait sobre, le scénario se déguste très (trop ?) vite. L’identité graphique de Horne s’affine davantage et tend vers encore plus de sobriété, exacerbant ainsi la tonalité glauque et froide du récit. Il s’en dégage un sentiment de malaise et d’angoisse permanent, parfaitement adapté à l’ambiance de l’histoire. L’ensemble se révèle dérangeant (notamment lorsque Gilles est perdu entre rêve et réalité ; voir aussi une scène très trash, p.26) tant il échappe à notre volonté d’objectiver un récit complexe, teinté de fantastique (les références à Barbe Bleue) et profondément ancré dans le réel (Gilles de Rais est un personnage historique du XVe siècle). Attention, le récit entretient la confusion et laisse de nombreuses questions sans réponses. Déstabilisant et plaisant !