L'histoire :
Le peuple aborigène du Sud Est de l'Australie voue une admiration sans borne à M'rrangoureuk, un valeureux guerrier qui est devenu une légende depuis qu'il a péri avec les honneurs au combat. Sa réapparition va bouleverser la vie des aborigènes qui voient en lui une réincarnation divine du symbole de la force et de la puissance. Sa résurrection est un signe des dieux et il faut le vénérer. Nous sommes dans le Sud Est de l'Australie au début du XIXème siècle. Et c'est précisément à cet endroit que les Anglais ont décidé d'installer une colonie pénitentiaire visant à écarter leurs prisonniers de toute vie sociale. William Buckley est un de ceux-là. Avec quelques autres bagnards, il va organiser son évasion. Mais cette fuite, sur cette terre hostile, ne va pas se dérouler comme il l'aurait souhaité. Et quand sa course vers la liberté se confronte au destin de M'rrangoureuk, revenu d'entre les morts, l'histoire prend tout son sens. Quoique...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Gani Jakupi est devenu maître dans l'art de conter des récits que l'Histoire n'a pas retenus, mais qui ont pourtant eu une trace indélébile dans le déroulement de certains faits. Avec El Comandante Yankee, l'artiste kosovar avait conté l'histoire de cet Américain qui avait rejoint la cause d'Ernesto « Che » Guevara qu'il jugeait noble. Cette fois encore, le dessinateur et le scénariste du Serpent à deux Têtes s'est penché sur l'existence de William Buckley, un homme en total décalage avec les préceptes de notre société, mais habité de certains idéaux malgré le fait qu'il soit devenu prisonnier pour des faits qui resteront mystérieusement sous silence. Et c'est bien là la force de Gani Jakupi. Il s'inspire de faits réels tout en flirtant avec la fiction. A tel point qu'on a parfois du mal à se situer et à trouver ses marques dans un récit qui est pourtant bien documenté mais dont on ne perçoit pas forcément le but. C'est assez décousu mais c'est aussi ce qui en fait le charme. Car son récit est jalonné de surprises et de rebondissements. Le Serpent à Deux Têtes est découpé en quatre chapitres au cours desquels l'histoire va prendre consistance au fur et à mesure de sa lecture. Le dessin à la gouache du kosovar reste magnifique, même si certaines cases offrent des panoramas disproportionnés, démontrant, par la même occasion, la volonté de l'auteur de s'inspirer fidèlement de documentations de l'époque pour étayer son récit. A ce titre, les dernières pages s'avèreront indispensables à la bonne compréhension de l'histoire. Car le lecteur aura beaucoup de mal à s'y immerger. Mais une fois cette épreuve surmontée, il éprouvera autant de difficulté à en sortir, récompensant ainsi sa persévérance. Ce Serpent à Deux Têtes vaut assurément le détour.