L'histoire :
Dans une grande ville, de nos jours, au croisement des lignes de bus 9 et 13, se trouve le petit quartier du « Temps des cerises », où se côtoient une poignée de petites gens habités par des préoccupations diverses. Il y a par exemple madame Mouchet, une gentille petite vieille au quotidien bien rôdé (ses canaris, son rhododendron et sa visite à son mari en soins palliatifs). Il y a aussi un jeune couple, Caroline et Norbert, qui attendent un heureux événement... La naissance à venir préoccupe chaque instant de sa vie à elle, alors que lui est de plus en plus agacé par cet unique sujet de discussion. L'insupportable madame Chmolowsky fait aussi le tour de son petit monde, afin de répartir les tâches pour la fête de quartier qui doit avoir lieu dans 6 jours. Raymond, le balayeur, accueille un nouvel arrivant : un voyageur au long cours, qui se targue d'avoir tout visité sur Terre. Entièrement mu par ses récits de voyages au troquet du coin, ce dernier finit par agacer Robert le Sec. Ce poivrot local s'imbibe pour mieux retrouver la nostalgie de son enfance algérienne, dans la petite ville de Saket. Avec les mêmes racines, Monsieur Rafik, l'épicier local, a quant à lui bien du mal à contenir la turbulence de son fils Aziz, qui ne fait que des bêtises...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans un petit format souple, ce Temps des cerises prend la forme narrative d'un récit chorale qui a pour simple ambition une visite guidée dans les préoccupations diverses et variées d'une poignée de voisins de quartier. Il y a la petite vieille, le balayeur, l'arabe du coin, le couple de lesbiennes, les futurs parents, le pochtron aigri... Bref, toutes les têtes que l'on côtoie tous les jours, sans pour en autant prendre le temps d'en savoir long sur eux. Formellement, à chaque fois qu'un acteur s'entrecroise avec un autre, il embraye sur sa motivation du moment ou son problème personnel. De temps à autre, pour mieux cerner sa destiné, les auteurs l'amènent à se souvenir de sa jeunesse, ce qui donne lieu à de courts flashbacks aux teintes sépias. Au dessin, Julien Mariolle, dont ce n'est ici que la seconde BD, montre un style graphique humoristique, guilleret et tendre, relevé de teintes douces et pastel, parfaitement abouti et adapté. Proposé par Amélie Sarn et Marc Moreno – qui oeuvre dans un registre lyrique et social tout à fait antinomique de son Régulateur – le scénario ne dépasse pas le simple relai de tranches de vies, mais il s'avère profondément humain et touchant. Au fil de tel ou tel témoignage, on se met à partager la douleur du déracinement, d'une libido a-normée, on perçoit les origines des lubies, et au final l'exercice fonctionne : on se frotte globalement, avec une pointe de nostalgie, au temps qui passe. Le plus insupportable réside sans doute dans le titre, dont la célèbre chanson éponyme vous hantera le temps de la lecture ! Au terme de ce tour de quartier qui pourrait se suffire à lui-même, on se demande bien l'orientation que nous réserve la seconde partie du diptyque...