L'histoire :
Mai 1632 à Loudun, petite ville de Poitou-Charentes. La peste fait rage et décime plus du tiers de ses habitants. Un homme, Urbain Grandier, fait face au mal et se bat avec dévouement et courage pendant plus de cinq mois, ce qui lui vaudra le respect de la population. Intelligent, cultivé et beau, il est le curé de la paroisse. Il n’a que deux défauts : défier les ordres du Roi (surtout de Richelieu) et de l’église, et de plaire aux femmes. Il s’insurge ainsi publiquement contre la démolition des bâtisses protestantes (sauvant notamment la tour carrée de Loudun), s’opposant officiellement à Richelieu, ou affiche encore avec conviction sa prise de position contre le célibat des prêtres. Cela lui vaut bon nombre d’ennemis… surtout qu’il confond souvent confessionnal et boudoir, notamment avec les femmes des notables du bourg ! Ses ennuis commencent lors des premiers cas de possessions et d’apparitions démoniaques, au sein du couvent des Ursulines. La mère supérieure fait appel au chanoine Mignon qui, aidé de l’abbé Barré, prêtre exorciste dépêché par l’évêché de Poitiers, voit enfin là l’occasion de se débarrasser de ce prêtre contestataire qui pêche avec sa nièce et lui fait de l’ombre quand à sa charge, en le faisant accuser de sorcelleries. S’ensuit un combat acharné entre le Bien et le Mal, où les exorcismes s’opposent aux possessions et apparitions, aussi spectaculaires les unes que les autres. Qui est vraiment le plus diabolique de l’histoire ? L’ange (l’église et le roi) ou le démon (Grandier et ses prises de position) ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christophe Bec, directeur de la collection Hanté (Soleil) a fait appel pour ce one-shot à un de ses amis nouveau-venu dans le monde de la BD, Hervé Rusig, pour scénariser cette histoire vraie. Pour une première, c’est une réussite. L’album s’évertue à démonter la légende née de la plus grande affaire de possession s’étant jamais déroulée en France. Tout en respectant les faits historiques et en contant l’évènement réel, la priorité de Rusig reste de mettre à jour le complot politico-religieux mené contre Urbain Grandier. Ce prêtre catholique, mais aussi libertin et contestataire dans une cité protestante, aimé de la population pour son courage et son dévouement, a fini sur le bûcher par la volonté de Richelieu et les vanités de ses ennemis. Graphiquement, l’ambiance angoissante est bien traitée, là aussi par deux nouveaux venus : les italiens Davide Furno et Paolo Armitano. Leurs traits réalistes et denses, très riches, offrent une atmosphère trouble et dérangeante au récit, accentuée par de superbes couleurs directes à dominante sanguines (enroulées de noir), le tout donnant à l’ensemble un effet fantomatique et tragique. Une grande brutalité s’en dégage, autant par la force du récit que par celui des dessins, tout en étant harmonieux. Cet excellent choix graphique met en exergue la cruauté des méthodes de la Sainte Inquisition, de même que le surnaturel se dégageant des sœurs possédées et des exorcismes. En bonus, un cahier spécial de fin d’album complète intelligemment la lecture agréable des 54 premières pages. Oscillant entre fantastique et historique, cet opus nous éclaire sur une page de l’histoire de France où la Religion prenait le pas sur les Etats et leur dictait leur politique. C’est un véritable document sur la France sombre et obscure de l’époque. On prend plaisir à lire ce one-shot politico-religieux, autant historique que fantastique, très instructif, basé sur une histoire vraie et des faits révélés, passionnante et tragique à la fois. Mais alors : faits surnaturels, démoniaques ou complot politique ? A vous de vous faire votre avis…