L'histoire :
Prêt à s'embarquer pour la chasse à la baleine, Ishmaël doit passer une nuit dans une auberge en attendant l'embauche du lendemain matin. Tous les lits étant pris, le tenancier lui propose de partager sa chambre avec un harponneur à la réputation établie. Le jeune homme se retrouve ainsi à prendre place dans la chambre d'un inconnu, pas encore rentré de ses probables beuveries du soir. Lorsqu'au milieu de la nuit, un géant au corps couvert de tatouages pénètre dans la chambre et prononce des incantations dans une langue inconnue, Ishmaël est terrorisé. Il faut l'intervention in extremis de l'hôtelier pour éviter un malentendu. Dès le lendemain, le jeune homme apprend à connaitre la personnalité de Queequeg, natif d'une île lointaine où on pratique le cannibalisme, avec qui il va embaucher sur le Pequod. Trois jours plus tard, le navire prend la mer. Et bientôt, la première rencontre avec un cachalot est couronnée de succès. La bête est attrapée, dépecée et son huile est stockée dans les cales du bateau. Très vite, l'équipage réalise que le capitaine du navire, Achab, envisage cette nouvelle expédition sous un seul but : se venger du cachalot blanc qui lui a dévoré une jambe lors d'une expédition précédente. Appelé Moby Dick, l'animal est connu pour sa couleur et son incroyable force destructrice. Starbuck, son second, a beau tenter de le raisonner en lui rappelant que le propriétaire du bateau compte avant tout sur une cargaison d'huile, Achab devient de plus en plus sourd à tout raisonnement. L'heure de la confrontation avec Moby Dick approche, qui verra chaque membre de l'équipage faire face à l'affrontement symbolique entre un homme et un animal...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cette nouvelle adaptation en BD de l'œuvre d'Herman Melville, Olivier Jouvray et Pierre Alary proposent des choix visuels très personnels, qui constituent une forme de marque de fabrique de leur travail. Tout en mettant très méthodiquement en exergue la folie qui s'est emparée de l'esprit d'Achab, ils utilisent la force du roman pour construire de très belles images aux couleurs superbes. Le style semi réaliste du dessinateur de Sinbad ou de Silas Corey pousse loin l'expressivité de ses personnages, dont on regrettera simplement un Achab qui ressemble à un capitaine Crochet de chez Disney. Mais le brio de sa mise en page l'emporte, la variété des plans comme la qualité de ses visages donnant une force narrative unique à son travail. Jouvray mène l'histoire à terme avec un enchaînement très équilibré de ses séquences, faisant comprendre au lecteur la progression de la folie destructrice d'Achab. La force du roman de Melville est perceptible dans l'isolement des marins face à l'obsession d'un homme seul, même si cette adaptation donne l'impression d'être plus destinée au grand-public que l'autre travail d'adaptation en cours, plus halluciné, de Chabouté. En tout état de cause, cet album épais se lit avec intensité, porté par un message presque philosophique. Il démontre une nouvelle fois la fascination que l'écrivain américain du début du siècle dernier exerce encore sur les auteurs contemporains. Il constituera, pour qui ne connait pas encore le légendaire Moby Dick, une lecture marquante.