L'histoire :
Alors que la Première Guerre mondiale fait des ravages, les fils et filles de Poilus, enfants de la République, reçoivent les lettres de leurs pères embourbés dans les tranchées de Verdun ou de la Somme. A l'arrière, la vie est bien évidemment morose : travail dans les champs pour les petits, tandis que les enfants des villes vont à l'école où, graines de poilus, ils deviennent les cibles privilégiés de la propagande. Les 45 premiers jours de guerre font 600 000 morts, soit plus de poilus tués en 6 mois que pendant toute la guerre. Seul moyen de rester en vie, de rendre présents les autres et de combler les vides : écrire et communiquer avec ce qu'il reste de proches : fils et filles, neveux et nièces. Ainsi, plus de 5 millions de lettres ou cartes postales sont écrites au quotidien. Le plus souvent, le message est sobre, pudique, retenu. L'envie de ne pas affoler les siens alors qu'une boucherie est à l'œuvre, et par peur de la censure, aussi. A la fois petit réconfort et outil de propagande, la carte postale cristallisait la part d'humanité de personnes confrontées à l'horreur... Des poilus à la fois soldats et papa, patriotes et orphelins d'une famille...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'idée est bonne, pédagogique et à cet égard, mérite le coup d'œil : regrouper en un volume des lettres de poilus, puis les mettre en images par un collectif de quinze auteurs. Au casting, on retrouve des dessinateurs plus ou moins familiers de cet univers (Philippe Jarbinet, Marie Terray, Eric Warnauts) et d'autres pointures (Cyril Pedrosa, Vincent Bailly). Pour faire connaître certains aspects de cette guerre et nous en faire partager l'enfer, une compilation de lettres (réelles) entre des pères et leurs fils, un exercice idoine. Les styles graphiques sont éclectiques et dans le ton, réalistes ou suggestifs, avec une préférence pour les couleurs sombres et mystérieuses de Cyril Pedrosa, éclatantes de Marc-Renier et les aquarelles de Vincent Bailly. Toutefois, on regrette la structure même de l'ouvrage qui ressemble, de fait, à un empilement d'impressions, ni organisées ni hiérarchisées. Seule l'introduction de Jean-Pierre Guéno vient préciser le contexte. De fait, on regrette aussi que les interprétations graphiques, quelques planches seulement (deux à quatre), ne permettent pas de s'immerger pleinement dans le destin de ces enfants ou soldats, avec le sentiment que les lettres se répètent sans apporter grand-chose au propos. On finit donc la lecture parfois déçus ou frustrés. Un recueil qui, en revanche, participe au nécessaire travail de Mémoire et touchera, du coup, un large lectorat par ses témoignages au plus proche du réel, au front ou à l'arrière. Malgré les limites du livre, il est sûr que les profs d'Histoire trouveront là un bon matériel pédagogique ; et les autres, l'occasion d'aborder sous un autre angle l'Histoire de la Grande Guerre.
