L'histoire :
Michel Polnareff, artiste au talent d'arrangeur et mélodiste reconnu, a marqué le paysage de la variété française des années 60-70. Non seulement pour avoir insufflé à la chanson française un vent innovant de pop psychédélique kitsch et décomplexée, mais également pour ses frasques et ses provoques qui collaient à l'esprit de l'époque (cf. l'épisode quasiment inscrit au patrimoine français, des fesses sur son affiche à l'Olympia en 1973). Bref, un personnage singulier : complètement mégalomane, il use habillement de son image énigmatique, mêlant mystères quant au « vrai » Polnareff et coups d'éclat comme son exil aux États-Unis vers la fin des années 1970. Cette année 2007 fut celle d'un de ses nombreux come-back en France, façon « je t'aime moi non plus ». Et (donc) l'occasion de sortir une BD illustrant ses plus grands succès. Réalisé par un panel de dessinateurs français reconnus, l'album se présente sous forme de chapitres comme autant de morceaux de Polnareff, chacun d'entre eux confié à un illustrateur différent : ainsi « Lettre à France » a été confiée à Moebius, tandis que « On ira tous au paradis » a été traité par Éric Cartier. Les morceaux sont interprétés soit de façon illustrative à partir des paroles, soit en représentant Polnareff lui-même en train de les chanter.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Soleil propose ici un nouveau recueil illustrant la chanson française, dans la continuité d’une série d'albums dédiés à des artistes toujours très populaires. Objectif commercial oblige, le critère du « talent » est semble-t-il moins déterminant (trois tomes furent consacrés à Gainsbourg, mais un également à Obispo...). Tâchons de mettre de côté toute considération commerciale, même si cela est la seule raison d'être de cet album, pour émettre un jugement. Sans être inconditionnel de Polnareff, chacun connaît ses chansons et sait ce qu'elles évoquent (la libération sexuelle, les années psychédélique, un certain anticonformisme, le culte de la personnalité, la maîtrise de son image, etc.) Or, mise à part la toute première planche de l'album, signée De Longis, qui évoque bien l'image du jeune Polnareff, on ne retrouve pas grand chose de tout cela dans cet album. Les auteurs ont pour la plupart adopté le mode le plus banal et le plus linéaire de représentation des chansons : mettre quelques bulles retranscrivant les paroles de la chanson et les illustrer au premier degré de signification. Sauf que Polnareff écrivait sa musique et quasiment aucune de ses paroles. Or à part les textes, rien ne ressort des dessins, et certainement pas la musique qui va avec. Ah si, peut-être : certains en ont particulièrement bien saisi le côté kitsch ! La seule planche véritablement seventies, c'est celle de Moebius, qui fait du Moebius, sans forcer son talent. On sent bien que certains on tenté de sortir du schéma linéaire... Mais qu'ils ont surtout été attirés par l'idée d'un cachet « facile ». Et comment leur en vouloir, le monde de la BD n'étant pas vraiment facile de ce côté là. Les seuls à qui recommander cet album sont les fans fétichistes, pour qui la possession de tout objet étiqueté «Polnareff » est importante, et qui n'auront même pas à ouvrir l'album.