L'histoire :
Juillet 1914. En compagnie de ses compagnons d’armes mobilisés, Célestin fait ses adieux à sa femme Mathilde sur le quai de la gare. Ce dernier contact est relativement froid. Le train part, Célestin reste prostré durant tout le trajet sur l’unique photo pliée de Mathilde et de Marcel, leur nouveau-né. La guerre leur offre très vite ce qu’elle sait faire de pire, à lui et ses amis. Benoît et Jacquot y passent en un claquement de doigt. Dans la boue d’une tranchée, un bombardement boche blesse gravement son copain Louis. Célestin a le temps d’une dernière cibiche avec lui, avant que les obus ne pleuvent de nouveau. Célestin charge Louis sur son dos et ils tentent de se replier. Mais ils sont au cœur du maelstrom. Célestin sent son mollet touché et aussitôt, c’est le noir. Quand il rouvre un œil, c’est pour voir Louis mort, le visage en sang. Lui-même se sent très mal en point. Il siffle quand il respire, il ne peut plus ni bouger, ni parler. Deux brancardier le repèrent et l’embarquent. Pendant le trajet sous la pluie, Célestin laisse échapper la photo de sa famille qu’il tenait entre ses doigts. Sous la tente d’un hôpital de fortune, des médecins s’occupent de son cas. Il ne trouve plus ses dents, mais c’est logique : il n’a plus de mâchoire inférieure, il n’a plus de langue et on l’a aussi amputé d’une jambe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si vous aviez toujours rêvé de vous retrouver dans la peau d’un grand blessé de guerre durant le 1er conflit mondial, cet album en one-shot est fait pour vous. Pour sa toute première BD, au sortir de l’académie Delcourt, Julien Langlais choisit une immersion dans le destin cruel d’une « gueule cassée ». Et pas qu’un peu cassée : lors d’un bombardement, Célestin perd une jambe et sa mâchoire inférieure. Ce qui, outre des douleurs atroces, ne lui offre plus aucune autre perspective que d’être un monstre et un boulet pour son entourage. Est-ce encore une vie ? La prise de conscience, le marasme psychologique dans lequel il se retrouve, permet à l’auteur une confusion volontaire dans la narration. Les séquences de souvenirs heureux, de batailles atroces, de soins terribles, de cauchemars encore pire s’entremêlent sans grands repères pour ordonnancer tout cela. Les gueules cassées ont déjà été maintes fois explorées en BD et cet album n’apporte sans doute rien de bien nouveau à ce poignant sujet… à part cette nauséeuse immersion en caméra subjective. Car si le dessin réaliste est bien au point, enveloppé par une colorisation plutôt sanguine et un traitement graphique « vieilli », blafard, les séquences qui se succèdent sont crues et sanguinolentes. Ce parti-pris choc de l’hémoglobine est pleinement cohérent avec le propos et donne, une nouvelle fois, la pleine mesure de ce qu’engendre une saloperie de guerre.
