L'histoire :
1899, au bord du pacifique et à la lisière d’une forêt, Abel Truman a établi son campement. Ancien soldat de la guerre de Sécession, le viel homme vit dans une cabane de fortune en bois avec son chien. Un soir de tempête, alors que le ciel se déchaine dans un ramdam assourdissant, les souvenirs de la guerre refont surface. Il se revoit dans les plaines ensanglantées sous les tirs des canons. Il reste là, dans son rocking-chair, immobile, sous la pluie. Sa mémoire tourne à plein régime, il se revoit assis sur un tronc d’arbre avec un nouveau-né dans les bras. Et machinalement, il pleure. Vivant de façon simple, il chasse et pêche pour subvenir à ses besoins et à ceux de son compagnon d’infortune. Inlassablement, à longueur de journée, sa mémoire lui renvoie des images sombres des charges meurtrières baïonnette à la main. Fatigué de revoir le passé, il tente à plusieurs reprises de se suicider par noyade mais à chaque tentative, la mer le renvoi sur le sable. Jusqu’au jour où deux hommes se présentent sur la plage. Ils veulent acheter le chien d’Abel. Refusant promptement l’offre, les deux hommes s’éloignent. La nuit tombante, ils reviennent au campement d’Abel, ils le plantent à l’arme blanche, le rouent de coup et volent son chien. Abel est laissé pour mort. A son réveil, une fois que la mer l’a recrachée une nouvelle fois, il doit retrouver son compagnon.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
À la vue du titre, Wilderness (wild en anglais signifie sauvage), ainsi que des premières planches de l’album, nous nous attendons à une aventure où Abel va affronter un environnement naturel hostile. D’ailleurs, lorsque les éléments se déchainent, le petit coin de paradis d’Adel se mue en enfer. Paradoxalement et contre toute attente, le seul aspect sauvage de cet album est la nature humaine. Mélangeant la réalité au soubresaut épisodique de la mémoire d’Abel, le récit est poignant. Viennent s’ajouter aux images atroces des champs de bataille, les cris des compagnons d’arme tombant sous le feu ennemi, le grondement des canons. Presque trente ans plus tard, Abel revit en permanence ces instants choquant. Traumatisé au plus profond de son antre par la guerre de sécession, la mémoire d’Abel lui renvoie à tout moment des images des nombreuses batailles auxquelles il a participé et plus particulièrement la bataille de Wilderness. Le récit passe en revue l’impact de la guerre sur l’Homme, mais développe aussi l’attachement au compagnon animal. Quel que soit son passé, quels que soient ses tourments, le chien d’Adel l’accompagne, le réconforte et se blottit chaque soir contre lui pour maintenir la chaleur. C’est d’ailleurs lors du vol de son compagnon que toute la rage enfouie durant des décennies remonte à la surface, façon Rambo. Le trait réaliste de Bandini renforce l’aspect sauvage du récit et fait de cet album un ouvrage graphique unique. Travaillant en couleur dans le présent et en dégradé de gris le passé, le dessin aide à la compréhension du récit qui utilise beaucoup le mécanisme narratif du « flashback ». Ainsi, cet ouvrage, de très bonne facture autant au niveau du scénario que du dessin, montre la nature humaine dans ce qu’elle a de plus animal et très certainement de plus triste.
