L'histoire :
Quelque part dans le Mississipi, en 1930. Une rixe éclate dans un bar. Avery est coutumier du fait. Pour un rien, une fois que l'alcool a imbibé son cerveau, il cherche querelle. Le garçon qu'il menace d'un tesson de bouteille le connaît pourtant bien et l'avertit, avant de lui coller une bonne dérouillée. Comme souvent, Avery est jeté dehors sans ménagement. Le patron du bar lui fait savoir à sa manière qu'il est désormais définitivement tricard chez lui. En guise de conclusion, il lui jette sa guitare au visage de toutes ses forces. Pour dégriser un peu, Avery marche et finit par s'asseoir sous un arbre situé à un croisement de routes. Il exécute quelques accords quand une créature surnaturelle apparaît. « Mais qu'est-ce que vous avez tous à vouloir troquer votre âme ?»...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Toute la musique que l'on aime... Elle vient du Delta Blues, avec ses mélodies primitives caractérisées par leur sobriété : une guitare, bien souvent un bottleneck, un chant et/ou à la rigueur un harmonica. C'est précisément aux sources du Mississippi que cette histoire commence, avec une référence flagrante et assumée à la légende de Robert Johnson. Né de la collaboration entre 2 auteurs espagnols, le récit épouse très vite la simplicité et l'âpreté du Blues auquel il rend hommage. Angux choisit d'épicer la narration en campant un deal un peu plus pervers encore que celui qu'on prête à Johnson : Avery n’intéresse pas de Diable car son âme impure lui est d'ores et déjà acquise. Ce que veut le Démon, c'est que le guitariste lui permette de prendre une âme pure. Ni une ni deux, voici que le musicien mégalo profite des violences familiales que subit un gamin pour l'embarquer, avec le lecteur, dans un road-trip intense et intrigant. Les stéréotypes du genre sont bien exploités : il y a l'alcool, compagnon inséparable de la misère, la violence sociale des années 30 et la ségrégation, assise par le pouvoir du Klan, le chemin de fer dans lequel les noirs s'introduisent clandestinement, au risque de leur vie s'ils y sont découverts, et les rencontres façonnées par le hasard et ne laissant presque jamais place à la bienveillance. Et surtout, ce tandem de personnages errants, qui finissent par communiquer de très belles émotions. Ne comptez pas sur nous pour vous en livrer plus, mais sachez qu'Angux connaît la chanson et arrive à introduire quelques éléments sacrément bien pensés pour surprendre le lecteur. Quant à NuriaTamarit, elle propose un dessin sobre mais très expressif et choisit des couleurs ocres qui collent parfaitement au récit. Avery's Blues semble un peu sorti de nulle part, mais il vous embarquera dans un très beau voyage dont on ne sort pas indemne. Un livre qu'on vous conseille diablement !
