L'histoire :
Une jeune femme rousse fait un cauchemar. Une pluie de sang s’abat sur elle, alors qu’elle choit dans l’eau rouge d’un rivage Elle finit par s’y noyer. Elle se réveille en sursaut, mais elle est aussitôt rassérénée par sa compagne, une femme brune douce et compréhensive. Elle se souvient : quelques mois plus tôt, elle venait de faire une énième tentative d’insémination artificielle. Elle redoutait d’appeler le centre de procréation, de crainte d’entendre un nouvel avis d’analyses négatives. Et pourtant, cette fois-là avait été la bonne : l’embryon s’accrochait, elle était enceinte. Les premières semaines de grossesse avaient cependant été angoissantes : la future mère perdait sans cesse un peu de sang. Elle se concentrait pour assurer la meilleure accalmie de son corps, et bénéficiait de séjours réguliers à l’hôpital. Dans le ventre, le bébé s’accrochait. A la moitié de la grossesse, une échographie avait permis de voir le sexe : ce serait un futur garçon ! Les deux femmes avaient alors commencé à acheter des petits habits tout mignons pour bébé. Mais une perte de sang plus importante que les autres avait obligé la jeune femme à appeler les urgences. Cette fois, les médecins étaient très inquiets…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
C’est l’histoire d’un espoir fou, puis d’une tragédie, puis d’une reconstruction psychologique, une résilience primordiale. C’est une histoire triste et positive à la fois, une histoire courante qu’on ne souhaite à personne : l’histoire d’une femme qui fait une fausse couche et qui doit finalement renoncer à son désir d’enfant. Ingrid Chabbert s’est inspirée de sa propre expérience, et cela se sent à travers la retenue et la pertinence de son scénario, de sa mise en scène. Les nombreux non-dits sont lourds de sens dans ce récit en one-shot. Ce dernier n’a pas besoin de beaucoup de dialogues ou de précision pour être parfaitement explicite sur le sujet. Entre autre, on ne connaitra jamais les prénoms des deux femmes homosexuelles qui portent le récit. De même, la famille, les proches et les médecins sont certes présents autour d’elles, mais en tâche de fond, sans jamais prendre trop d’importance, afin de ne jamais détourner la lecture du sujet central et on ne peut plus intime : surmonter la fausse-couche. Sur ce plan, Carole Maurel trouve une fois encore le style artistique idoine dans son trait de dessin, ses cadrages et ses choix colorimétriques qui rythment les séquences : tantôt en couleur pour la vie « normale », tantôt dans un simili noir et blanc en lavis pour la période de deuil. Tous ces choix narratifs et graphiques permettent la retenue dans le propos et s’avèrent les justes biais pour éviter le pathos et faire néanmoins parfaitement comprendre l’intensité des trois phases : espoir, souffrance et reconstruction.