L'histoire :
Lorsqu’il embrasse sa femme, il se passe un phénomène suprenant dans la tête d’Asaf Hauka : il s’imagine en train de faire du vélo d’appartement en regardant une vidéo représentant une route qui défile devant lui. L’amour aurait-il muté en obligations routinières et efforts ? Ce père de famille israélien tente d’équilibrer tous les rapports entre les siens, mais aussi de faire rentrer le minimum d’argent vital pour subsister, d’avoir la juste lecture de l’actualité internationale et de la société israélienne dans laquelle ils sont tous immergés. Il a pleinement conscience que son fils a un grand pouvoir mental sur tout le monde, à côté de lui qui se sent enfermé dans un bloc de glace, ou de sa femme comparée à un dragon rugissant. Sa vie de couple est tellement difficile, qu’il a aussi dû satisfaire aux recommandations d’un thérapeute : un voyage à New York, rien que sa femme et lui. Cela lui a fait l’effet d’un toboggan dans lequel on est lancé à pleine vitesse : le bonheur a effectivement été renoué, mais cela a passé trop vite, juste le temps d’un instant. A un autre moment de sa vie, cet illustrateur accro aux jeux sur smartphone et aux likes sur facebook pâtit d’une hernie discale. Trois semaines de douleur atroce, même sous antalgiques, même sous anesthésiants…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Asaf Hanuka dispose d’une faculté rare de prendre du recul sur les évènements anodins de sa vie, puis de les traduire par des séquences BD fantasmagoriques, oniriques ou science-fictionnesques. Il l’avait déjà prouvé dans le tome de KO à Tel Aviv, par lequel il s’interrogeait déjà sur sa vie de famille, son couple, ses responsabilités citoyennes, ses angoisses existentielles, ses contraintes budgétaires, ses réflexions nationales, son rôle de père et éducateur… On retrouve strictement toutes ses autofictions empruntes d’auto-cynisme dans ce tome 2, où on le découvre en proie à une hernie discale, à des addictions de smartphone, au temps qui lamine petit à petit son corps, aux alertes anti-missile et… à un second enfant, car sa femme donne naissance à une petite fille. Il survole la ville en super-héros, arrache ses tripes dans le tiroir d’une bureaucratie pour payer une contravention, affronte des entités fantastiques colossales… Car pour traduire l’abstraction de ses sentiments, Hanuka utilise un trait semi-réaliste dont les finitions n’ont d’égale que la grande maturité. Celui-ci s’inscrit tantôt dans une illustration pleine page, tantôt au fil de séquences BD en gaufriers réguliers. Il ne s’agit pas précisément de gags, car il ne s’agit pas de faire rire, mais plutôt gamberger. D’ailleurs, il n’y pas toujours de chute, mais le moindre combat ordinaire de ce père de famille perspicace est tour à tour poétique, psychanalytique, métaphysique et suscite assurément la réflexion.
