L'histoire :
Tout en malmenant un Rubik’s Cube®, le fils d’Asaf Hanuka lui demande de quoi est fait le néant. Un peu piégé par cette question haut-perchée, le père tente des réponses : le néant, c’est rien. Oui, mais si on peut répondre que c’est rien, c’est qu’on peut répondre quelque chose, donc ça n’est pas rien. En cachette, le père fait des recherches sur Internet. Des scientifiques s’y avancent sur la question et donnent des explications vraiment profondes… mais il ne comprend toujours pas comment expliciter cela. Soudain, le téléphone sonne, c’est sa femme : l’armée israélienne a annoncé des attaques probables de missiles sur Tel-Aviv pour le soir-même. Aussitôt, Asaf Hanuka prépare un sac de nourriture de survie. A 20 heures, la famille est réunie lorsque sonnent les sirènes d’alarme. Ils descendent aussitôt pour se réfugier dans l’abri souterrain, en compagnie d’autres voisins de leur immeuble. Ils attendent, puis ressentent parfaitement les vibrations des bombes. Quelques temps plus tard, ils remontent chez eux et tentent de rassurer les gamins et de les endormir. Bizarrement, la question sur le « rien » revient. Asaf explique que le rien est nécessaire pour mieux comprendre son inverse, le quelque chose. L’un ne peut pas aller sans l’autre…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour la troisième fois, l’exercice auquel se livre Asaf Hanuka dans K.O. à Tel Aviv tient tout à la fois de la chronique sociale, du regard cynique et pertinent d’un artiste israélien sur son époque et sa culture, de l’extrapolation science-fictionnesque de genre et de l’expression psychanalytique d’angoisses ordinaires. 100% juif israélien séfarade, tel qu’il s’auto-définit, Hanuka se met en scène dans sa vie de famille, sans complaisance envers lui-même : il est inadapté aux corvées domestiques et parentales, inconséquent avec son compte bancaire… Mais il est néanmoins bien déterminé à décortiquer son environnement, avec un regard tellement extérieur, qu’il dépasse sans doute la ceinture de Kuiper. Malgré le découpage des situations en une planche, ne cherchez pas l’effet zygomatique du gag : il n’y a pas précisément volonté de faire rire. Ses historiettes – parfois des mono-cases pleines pages – ont pour vocation essentielles de témoigner d’une réflexion, d’une situation absurde ou d’un besoin cathartique. Pour se faire, Hanuka utilise un style de dessin encré semi-réaliste, qui oscille facilement dans un registre caricatural, jusqu’à se permettre régulièrement des expressions graphiques qui confinent à la science-fiction moebiusienne ou asimovienne. Parfois, son intention est difficile à cerner (faute à nos yeux européano-centrés sur sa culture hébraïque ?). Le plus souvent, cela amène à voir les choses différemment, à se poser de vraies questions. Hanuka n’a pas son pareil pour vous choper, au détour d’une page tournée, par une fulgurance, une réflexion diablement pertinente ou une représentation symbolique lourde de sens. En ce sens, K.O. à Tel Aviv s’avère un accompagnant utile à la prise de conscience.