L'histoire :
Le 10 juin 1944, à Cluny, l’intellectuelle allemande Christa Winsloe et Simone Gentet sont enlevées à leur hôtel. Elles sont amenées au poste de commandement du Loup. Mais quelques heures plus tard, sur la route du retour, elles sont abattues de sang froid dans une forêt, sur l’ordre d’un moustachu à casquette. Quatre résistants sont ici, qui laissent les femmes pourrir dans cette forêt. Sur la route du retour, l’auto des résistants s’arrête, et un habitant reconnaît le moustachu, Lambert. Quelques mois plus tard, son fils trouvera le sac de Simone Gentet jeté dans le fossé. En février de la même année, les deux jeunes femmes étaient arrivées à Cluny par le train, où Christa avait salué un officier allemand. Elles s’étaient dirigées vers l’hôtel de Bourgogne où Simone Gentet s’était présentée comme sa gouvernante. Elles avaient logé ensemble, dans la dernière chambre disponible. Face à la gare, l’hôtel Chanuet était réquisitionné par la Wechmacht. Mitoyen de la gare, le buffet des voyageurs permettait à des hommes postés là de surveiller les allers et venues. En janvier 48, le procès pour déterminer les coupables, aux assises de Saône-et-Loire, est long et complexe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Christa Winsloe est une outsider. Femme artiste, homosexuelle, allemande et pas nazie dans l’entre-deux guerre, elle était rejetée de partout. Alors qu’elle avait connu un succès planétaire pour sa pièce Jeunes filles en uniformes, adaptée au cinéma, son installation et son mode de vie à Cluny, petite ville traumatisée par une récente vague d’arrestations, suscitent le soupçon. Elle est finalement abattue, exécutée alors qu’elle n’a rien fait. Hervé Loiselet, interpellé par ce fait divers, nous livre une enquête riche et complexe sur un sujet passionnant. Le scénario est pourtant très fouillis, avec de nombreuses ellipses, des flashbacks, des retours dans le temps… le lecteur y perd son latin et décroche régulièrement. Il faut être un militant humaniste pour se concentrer, s’accrocher, sachant que la jeune femme a été exécutée pour rien, et que les salauds s’en sont sortis. Une période trouble que celle de la fin de la guerre, on le savait. Mais on est quand même écœuré par cette histoire. L’objectif de Loiselet, le lecteur le sent, c’est à la fois de rendre justice à cette grande artiste, la sortir de l’oubli, mais aussi de témoigner de la complexité de la vie, et notamment dans une période troublée. C’était une gageure, et elle n’a pas été complètement relevée car l’histoire est trop lourde, trop lente. Elle est riche, ça oui, et belle, et grande, et il faut remercier Loiselet pour son travail et le magnifique livret à la fin de l’œuvre. Benoît Blary, lui, livre une très belle partition à l’aquarelle, douce et inquiétante, un rien surannée. C’est beau, facile et agréable à lire, et cette légèreté tranche avec la lourdeur de l’ensemble. Au final, les auteurs nous livrent une œuvre belle, avec une grande force humaniste et de passionnants sujets de discussion… encore faut-il avoir réussi à aller jusqu’au bout de cette enquête fastidieuse.