L'histoire :
Janvier 1906. Trois femmes se rendent à la gare de Constantinople. Sous une fausse identité, elles vont prendre place au sein de l’Orient Express qui les mènera vers Paris. Ainsi Nouryé, Zennour et Mirième s’apprêtent à quitter la Turquie et à fuir leur condition de femmes ottomanes, fuir cet orient fermé où exister ne leur est pas permis. Le péril est devant, mais le danger est derrière. Elles abandonnent tant de choses. Zennour se remémore alors son mariage arrangé avec Séfa Bey, un diplomate à la cour du Sultan… et revient vite à la réalité. Nouryé, quant à elle, se souvient de sa prise de voile après une séance d’enseignement avec l’Imam. Dès ce jour, son âme fut prête à la révolte et à la liberté. Arrivées à Belgrade, la police leur intime l’ordre de descendre du train, car de graves accusations sont portées contre elles et le consulat de leur pays les réclame. Le premier secrétaire de la légation turque, Arslan, vient les chercher en personne. Nouryé parvient à négocier et elles se font conduire au Grand Hôtel, assignées à résidence, le temps qu’une enquête soit menée. Elles activent alors leurs contacts dans le pays afin de poursuivre leur voyage en toute discrétion…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Un ouvrage initial, Évadées du harem – Affaire d’État et féminisme à Constantinople (1906) sert de toile à cette nouvelle tranche de vie proposée en BD par les éditions Steinkis. Trois femmes fuient leur condition en Turquie pour se plonger dans la vie occidentale. Le frisson des premiers temps laissera la place aux interrogations et à des destins différents. Leur idéal de liberté tant attendu serait-il, au final, loin de celui qu’elles imaginaient ? Didier Quella-Guyot et Alain Quella-Villéger nous livrent un scénario cohérent avec les différentes étapes du parcours de ces trois femmes et transcrivent leur ressenti au fur et à mesure de leur échappée, leurs rencontres et l’ouverture d’esprit qui accompagne l’occident tant attendu. Sara Colaone (En Italie, il n'y a que des vrais hommes) nous plonge dans la Turquie et la France des années 1900 avec un choix graphique tempétueux, anguleux, sombre et maîtrisé, rappelant le brush, le lavis, le fusain et la mine de plomb. Le contour des cases évolue en même temps que le récit et les pays traversés. Une lecture enrichissante sur la volonté d’émancipation de la femme orientale, au début du XXème siècle.