L'histoire :
Alison n'aurait pas imaginé, lors de ses « premiers pas » dans la peinture, qu'un jour de 2005, on exposerait une statue à son effigie sur Trafalgar square, en plein cœur de Londres. Une œuvre incroyable qui représente la jeune femme née sans bras et avec des jambes atrophiées, le ventre rond au moment où elle attendait la naissance de son fils. Alison Lapper Enceinte fait beaucoup parler, il met en avant le destin prodigieux de la jeune femme devenue une artiste plasticienne de renom. Quarante ans plus tôt, les médecins ne donnent pas cher des chances de vie de la nouveau-née. Ils déconseillent d'ailleurs à sa mère de la prendre en charge, et la confient à une institution spécialisée. Alison y vivra jusqu'à ses seize ans, elle y apprendra à s'affirmer aux côtés d'autres enfants comme elle, mais aussi avec des adultes capables de lui prodiguer une partie de ce dont l'absence de sa mère la prive. Toute sa vie se construira autour de cette relation épisodique avec cette maman absente mais qui resurgit parfois, et de la volonté de dépasser les possibilités théoriques de son corps. Peindre, tomber amoureuse, se saouler avec des copains, avoir un enfant, conduire une voiture. Et exprimer à travers son art la beauté profonde de corps différents, ou tout simplement de paysages sublimes qu'elle peint avec la bouche. Alors, oui, avec son fils à côté d'elle, ce jour de l'inauguration, Alison est fière de son parcours.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour son premier scénario, Yaneck Chareyre raconte un destin exceptionnel, celui d'une femme née sévèrement handicapée qui construit une vie hors du commun. Une force de caractère qui force l'admiration et nous conduit à réfléchir sur notre propre regard. Le regard du scénariste est plein de ce respect que son personnage lui inspire. Il décrit sa vie au premier degré, avec beaucoup de détails, et en donnant l'impression qu'il la connait personnellement. Après la lecture de cet album, on comprend mieux la profondeur de la démarche des artistes qui peignent avec la bouche et les pieds, et la puissance de la démarche artistique et humaine derrière des images ou des cartes postales que l'on a souvent traité avec un regard très rapide. Mais il n'est pas question d'apitoiement dans ce livre. On s'immerge aux côtés d'Alison dans une foule de problèmes du quotidien et on est surpris par les solutions possibles pour mener une vie pleine, malgré un handicap de départ qui semble insurmontable. Le dessin de Mathieu Bertrand est parfaitement approprié, semi réaliste seulement, mais très précis et juste dans la mise en scène des corps différents de tous ces personnages qui crèvent la page à tour de rôle. Il sert très bien le récit à la première personne raconté par Alison, et sans exploit technique il permet une lecture qui exclut la distanciation et nous donne l'impression de vivre un témoignage privilégié. Cette histoire forte suscite la curiosité et vous fera certainement foncer sur google pour en savoir plus sur plein de choses.