L'histoire :
Mohamed ben Salmane, alias MBS, est le dirigeant de l'Arabie Saoudite, un prince héritier dont le style et la modernité apparentes détonnent et ont surpris le monde entier lorsqu'il est apparu sur le devant de la scène en 2017. Agé de moins de quarante ans, il fait partie de la génération qui a les mêmes goûts que la même génération en occident, bien loin de la rigueur religieuse que son pays affiche. Protégé depuis son plus jeune âge par son père, tenu à l'écart des grandes universités américaines ou européennes, il vit pourtant une vie de luxe et de liberté totale dès qu'il se trouve à l'abri des regards. Sa modernité très tactique, son langage plus proche de la jeunesse, et quelques mesures phares aux apparences libérales prises dès son arrivée au pouvoir lui donnent des soutiens nombreux dans la jeunesse de son pays, et bouleverse le train-train des relations internationales. Mais derrière la façade, le jeune prince se comporte avec tout le cynisme des hommes de plein pouvoir : il traite avec mépris les dirigeants occidentaux qui lui reprochent les exécutions capitales toujours aussi nombreuses ; il fait assassiner ses opposants tout en affirmant qu'il n'y est pour rien ; il joue avec l'immense richesse de son pays pour forcer les puissances étrangères à soutenir son régime...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Vue de l'intérieur, la vie de la famille royale et de ses membres les plus jeunes est la première surprise de cet album. On voit MBS et ses amis sur un yacht, sur une île privatisée pour une fête complètement délurée, ou affalés sur leur canapé, manette de jeu à la main. Les auteurs mettent en scène des moments très banals dans le quotidien des puissants du royaume, juste avant des extraits de conversation d'une rare brutalité, lorsque MBS s'adresse à un juge avec une balle entre les doigts en signe de menace. Le livre est évidemment complètement à charge. On se demande d'ailleurs comment il pourrait en être autrement, y compris dans les séquences où l'on voit le dirigeant saoudien traiter sans ménagement les chefs d'état étrangers qui le rencontrent et tentent d'infléchir sa politique de répression. On comprend mieux les rivalités entre l'Arabie Saoudite et l'Iran voisin, les éclairages semblent édifiants lorsqu'est évoqué le grand jeu de fausses vérités sur les coupables véritables qui a précédé l'invasion de l'Irak après les attentats du 11 septembre 2001. Le livre est structuré comme un reportage, avec en bonus les scènes de dialogue reconstituées, le tout étant solidement illustré par Christophe Girard. La grande leçon de cette lecture est que, décidément, l'argent est le nerf des relations internationales, et que les concessions seront nombreuses lorsqu'il coulera à flots. C'est évidemment vrai, même si le ton général du « tous compromis » donne aussi une impression manichéenne, probablement délibérée. Un bon sujet en tout cas, on apprend des choses et tout cela est raconté de manière fluide et rythmée.