L'histoire :
En septembre 1895, un gamin entre chez Vanier, l’éditeur de Verlaine, pour demander son adresse. Il n’y a pas un de ses ouvrages dans la vitrine, squattée par François Coppée, de l’académie française, qui justement sort de la librairie en se moquant de la vieillesse violente de son aînée. Il aurait blessé quelqu’un la veille selon le libraire. Celui-ci montre un exemplaire du Bonheur de Verlaine au gamin, et Henri-Albert Cornuty, c’est son nom, en profite pour en voler deux. Muni de la double adresse du poète, le jeune homme s’en va, non sans vendre ses deux exemplaires du Bonheur volés à une terrasse de café. Double adresse ? En effet, si Verlaine n’est pas chez lui, il est dans le bordel de la rue, à l’Hotel de Montpellier. Il y rencontre régulièrement Esther Lacan qu’il paie en poèmes, avec l’aval de son mari qui en profite pour se dédommager en vendant ses livres. Henri-Albert découvre un poète endroit tout habillé, jaune comme un coing et blessé à la tête. Mais à la vue du jeune homme, Verlaine se ragaillardit et l’emmène chez lui.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean Teulé s’est fait une spécialité, depuis quelques années, des biographies romancées, de poètes surtout, mais pas que. Il avait commencé par Rainbow pour Rimbaud, puis ce Ô Verlaine ! sorti en 2006, mais surtout un an plus tard avec l’extraordinaire Je, François Violon, magnifiquement adapté par Luigi Cretone. L’an dernier, il a sorti un nouveau roman, Crénom, Baudelaire ! Teulé, ancien auteur de BD, est un romancier assez souvent adapté puisqu’on a pu lire aussi un excellent Charly 9 par Guérineau ou La Montespan par Philippe Bertrand. Le parti-pris scénaristique n’a rien de génial. C’est documenté et efficace, même si le lecteur n’est jamais transi. C’est probablement pour cela qu’il a fallu attendre 15 ans pour que ce roman soit adapté, alors que d’autres de Teulé, mieux réussi, ont été adaptés dans la foulée. Ici, Philippe Thirault livre un scénario bien mené, séquencé de manière agréable et efficace sur l’écriture nerveuse et très visuelle de Teulé. Le choix de présenter l’histoire sur trois bandes, avec des cases sans traits, donnent une certaine créativité à l’ensemble. On a l’impression que notre cerveau n’a pas de cadre et qu’il peut divaguer au rythme des folies du maître. On suit avec plaisir l’histoire de ce gamin qui a quitté Béziers pour rejoindre Verlaine dans les derniers mois de sa vie. Alors que ce n’est plus qu’un déchet, il redevient inexplicablement à la mode, notamment chez les étudiants. Cornuty, lui, sera immortalisé par Picasso dans une toile à son nom, mais c’est une autre histoire. Sans être à couper le souffle, le travail de Thirault, Bertrand et leur coloriste Marie Galopin est agréable et se lit facilement.
