L'histoire :
1965, dans une case à la Réunion, une mère de famille prépare un sac de linge, un bébé dans les bras. Pendant ce temps, Jean, l’aîné de la fratrie, embarque un couteau de cuisine et court retrouver sa sœur Didi en extérieur qui joue avec un ballon. D’un grand coup de lame, Jean éclate le ballon. Au même moment, la maman rappelle ses enfants et leur demande de se préparer pour la venue de l’assistante sociale. A peine arrivée, l’assistante sociale demande à Jean et Didi de monter en voiture pour aller à Saint-Denis. En cours de route, la voiture s’arrête à une congrégation de sœurs où Didi est prise en charge par des religieuses. Jean, quant à lui, est emmené à Hell-bourg avec des grands. Terrorisé par la séparation, Jean pense que le fait d’avoir explosé le ballon est à l’origine de ces grands chamboulements qui s’annoncent...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tehem, l’auteur de Malika Secouss ou encore Zap Collège revient avec un album beaucoup plus personnel et au sujet plus grave. D’origine réunionnaise, il s’est intéressé à un des scandales de la Vème république : les enfants de la Creuse. Entre les années 60 et 80, en effet, près de 2000 mineurs à la charge de l’Aide sociale à l’enfance sont envoyés dans l’Hexagone. Séparés de leur famille, ces enfants ont alors vocation à travailler et à repeupler des département victimes d’exode rurale. Dans cette histoire, on suit à différentes époques le destin de 3 personnes : Jean et sa sœur Didi, qui se retrouvent déracinés en métropole, séparés l’un de l’autre, et celui de Lucien, un jeune fonctionnaire qui arrive à la Réunion pour mettre en œuvre le BUMIDON (Formation professionnelle et placement dans l’hexagone d’une main d’œuvre originaire des DOM). Avec finesse et intelligence, Tehem dénonce une politique froide qui a brisé des familles sans pour autant accabler les fonctionnaires qui ont eu la charge localement d’appliquer ces directives. Malgré ce ton mesuré, on cerne bien chez les enfants exilés contre leur gré la douleur silencieuse et durable qu’ils ont éprouvée. Ce récit est poignant sans céder au pathos. Graphiquement, on retrouve un dessin sobre mais suffisamment expressif. Au terme de chaque chapitre de cette fiction, une fiche explicative sous forme de gazette vient apporter un éclairage documenté sur cette affaire restée longtemps ignorée.