L'histoire :
Une jeune femme attend avec angoisse dans une prison de Rome, la Rebibbia, dans les années 1980. Elle ne sait pas si elle sera capable d’affronter le père Adolfo Bachelet, qui vient pour la voir. En effet, quelques années plus tôt, le 12 février 1980, elle a tué son frère. Elle a abattu le professeur de droit Vittorio Bachelet de onze coups de révolver, onze coups qui résonnent désormais en permanence dans sa tête. Sa camarade de cellule, Francesca, lui donne le courage d’aller au parloir, mais Anna-Laura se souvient de ces moments. Du jour où elle a tué de sang-froid cet homme sans défense. Du jour où elle a été arrêtée, puis de celui où elle a été condamnée à la perpétuité avec une peine incompressible de 15 années de prison. Face à elle, au parloir, c’est un homme bon, un grand sourire débonnaire aux lèvres qui l’accueille. Le père Bachelet est là pour l’aider à comprendre son geste, et à avancer.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Anna-Laura Braghetti a tué un homme, donc. Membre des Brigades Rouges, elle avait participé à l’enlèvement d’Aldo Moro, président de la Démocratie Chrétienne, en 1978. Deux ans plus tard, elle passait un cran au-delà en assassinant de sang-froid un homme. Si au moment de son incarcération elle se considérait comme une prisonnière politique, elle a renié son engagement terroriste. Agée de 67 ans, elle est en liberté conditionnelle depuis 2002. Elle avait été interviewée par le journal Libération en 1999, alors qu’elle était en semi-liberté. Ce roman graphique raconte le chemin que cette femme a emprunté, de la jeune fille engagée à la lutte armée, jusqu’à l’assassinat, puis à un retour vers la normalité, vers ce que le père Adolfo Bachelet appelle l’humanité. C’est un propos précis et avec assez peu d’affect qui est utilisé par Gonzague Tosseri, qui ne cherche pas à juger, mais à éclairer, d’une part, un moment majeur de l’histoire politique de l’Italie (augmenté d’une réflexion sur le terrorisme politique du professeur Alessandro Orsini, en fin de livre), d’autre part la recherche d’une voie apaisée pour l’héroïne. Les flashbacks, nombreux, forcément, sont bien amenés et donnent une dynamique certaine au récit, d’autant que l’utilisation très parcimonieuse des couleurs par Nicola Gobbi, en orange, bleu ou violet, toutes un peu passées sur un décor noir et blanc, met l’accent sur les personnages, leur rôle dans l’évolution de la jeune femme. Le trait est fin, semi-réaliste. Il sert le propos en donnant aux personnages le plus de vie possible. Le tout est intéressant, assez vivant, positif même, car Braghetti a trouvé le chemin de la rédemption. Grâce à cet ecclésiastique, frère de sa victime. Un beau livre, humain.