L'histoire :
Le journaliste Benjamin Carle débarque à Limoges pour enquêter et comprendre ce qui a conduit les salariés d’une grosse industrie de la Creuse à se révolter. Il veut raconter l’histoire de cette usine en péril et de ses ouvriers en colère. Le sort de cette industrie paralyse toute la ville car les répercutions économiques impactent la vie locale. Cette fabrique est historique, elle fait partie du paysage creusois. Après la seconde guerre mondiale, les campagnes sont désertées, car les jeunes migrent vers Paris, où sont centralisées les grosses firmes . A la tête du pays, De Gaulle préconise aux industriels de s’implanter à la campagne pour désencombrer la ville, c’est la décentralisation. Elle permet une meilleure équité de la population et répartition des richesses du pays. Pour motiver les dirigeants, l’État verse des indemnités aux entreprises qui osent s’implanter en milieu rural. La Socomec va profiter du dispositif en s’implantant à La Souterraine. C’est un fabriquant de matériel destiné à l’enfant puis, bien plus tard (sous d’autres noms), un pionnier de la sous-traitance diverse. Un an après le début de la crise, le groupe GMD reprend l’entreprise. Les salariés accusent les constructeurs et l’Etat de ne pas avoir tenu leurs engagements en nombre de commandes...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
« On parle d’une époque où la lutte permettait de défendre ses droits dans l’entreprise et les intérêts des salariés. Aujourd’hui on essaie juste de lutter pour sauver son emploi ». Cette phrase résume bien l’idée de l’ouvrage de Benjamin Carle, journaliste et réalisateur de documentaires. Sortie d’usine est sa première bande dessinée, sur un dessin de David Lopez, qui œuvre d'ordinaire dans le milieu des comics. Son trait crayonné noir se complète parfois d'une colorisation, mais toujours de façon à fondre facilement le personnage de Benjamin Carle avec les autres protagonistes, à l’image de son immersion dans le monde ouvrier. Carle est de ces auteurs engagés qui montrent, dénoncent et interpellent par leurs écrits. Il met ici le doigts sur un sujet sensible et encore actuel. Lutte ouvrière, mondialisation, désindustrialisation, liquidation, plan de sauvegarde et puis reclassement et surtout hantise du licenciement final. Autant de termes évoqués, complexes, qui cachent une réalité politique que révèle le combat de ces ouvriers. Bon nombre de ces fermetures ou menaces font régulièrement les gros titres de l’actualité, avec les conséquences (parfois dramatiques) de la délocalisation pour une main d’œuvre bon marché. Malgré la modernisation, certaines industries deviennent de plus en plus obsolètes. Le progrès n’a pas que du bon, l’industrialisation non plus. Pour prendre l’exemple de l’industrie automobile, aujourd’hui seulement environ 40 % des véhicules des constructeurs français sont fabriqués sur le territoire national. On a tous encore en tête l’exemple fort d’Arcelor Mittal, avec des paroles qui font miroiter des jours meilleurs et pour réponse des travailleurs, l’indignation et les révoltes inévitables que l’on connaît. A travers les témoignages, le scénariste accuse le gouvernement et certains dirigeants de n’avoir pas toujours été clairs et honnêtes envers les salariés. Il explique également que les médias ne montrent pas toujours la réalité, notamment en faisant passer les militants pour des « sauvages », alors que leur cause est juste. La crise actuelle prouve que produire ailleurs a ses limites. Ne plus savoir produire dans son propre pays peut amputer toute une nation. Pouvons nous espérer un changement des mentalités ? Et les bons choix tant stratégiques qu’économiques ? Finalement, c’est l’histoire d’un combat banal, une enquête illustrée qui dérange autant qu’elle questionne.