L'histoire :
Depuis des dizaines d’années, l’économie des Antilles françaises repose sur la production de banane. Les agriculteurs ont bien essayé de se diversifier, mais la culture de l’avocat et du citron vert sont beaucoup trop concurrentielles. La banane a su résister aux producteurs américains et africains grâce à un accord conclu au début des années 90 et un accord commercial exclusif avec le marché hexagonal. Mais le marché commun a compliqué les choses. Pire : au moment où, après une grève ayant paralysé les Antilles, les producteurs de bananes ont eu gain de cause, la loi les a autorisés à utiliser massivement un pesticide ultrapersistant et cancérogène, le chlordécone. De retour en Guadeloupe après ses premières années de travail, Jessica Oublié retrouve sa famille. Les discussions à table et en dehors ne tournent qu’autour de la chlordécone, une substance ayant envahi désormais tout l’écosystème de l’île. Intriguée, Jessica décide d’investiguer et d’entrer en contact avec un universitaire qu’elle a vu à la télé, Luc Multigner.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Sable chaud, mer turquoise, repas épicés, poissons d’argents et crustacés, les images d’Epinal surgissent toutes plus belles les unes que les autres lorsque l’on évoque les Antilles. La réalité est plus cruelle, comme nous le montre Jessica Oublié. Le chlordécone, un pesticide ultrapersistant utilisé dans la culture de la banane, est responsable depuis plus de trente ans de l’explosion des cancers en Guadeloupe et en Martinique, de la destruction de la faune et la flore marine. Notamment les crevettes, la terre, les animaux et les mains sont contaminés. C’est un vaste scandale que Jessica Oublié démontre, page après page, avec beaucoup de rigueur, de documentation et de très nombreuses interviews. Le résultat est impressionnant, quelquefois terriblement fastidieux, tant le lecteur a parfois l’impression de lire un dossier administratif. Nonobstant, le trait bonhomme du talentueux italien Nicola Gobbi (Rouge passé) et les couleurs vives et joyeuses de Kathrine Avraham. Les dessins sont quelquefois confrontés ou rehaussés de photographies de Vinciane Lebrun. Le tout aboutit à une enquête agréable à lire, mais extrêmement riche et longue à décortiquer. Plus qu’un témoignage, c’est un éclairage multifacettes que nous livre ici Jessica Oublié et ses camarades, pour un ouvrage militant.