L'histoire :
Un après-midi d’été dans une station balnéaire. Un vendeur de glaces vient de subir une attaque à l’acide par un trio d’adolescents. Deux des suspects, dont l’un est gravement blessé, sont appréhendés dans une piscine vide. Le troisième, Julien, a disparu. Qui a fait quoi ? Au-delà de la question de la culpabilité, qui est responsable ? Dans cet avenir hypothétique où l’hôpital et la police ont fusionné, l’inspectrice-oncologue Lili Stuf et son assistante font passer aux jeunes suspects une batterie d’examens médicaux et de tests psychologiques afin de tenter de reconstituer le fil des événements. L’enquête n’est pas facilitée par la ressemblance troublante entre les deux adolescents – un garçon et une fille aux caractères bien différents, mais à l’apparence strictement identique.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
On entre dans Grandes Kitty un peu comme l’un des personnages principaux : quelque peu troublé par la forme au damier et au fond noir parsemé d’étoiles de la piscine. Mais où est-on ? Et quand ? EMG a scotché une grande partie de son lectorat en 2020 avec La vague gelée. Mais il avait instauré un « bug dans la matrice » dès 2012 en débutant sa technique BDtronique dans Tremblez enfance Z46, déjà agrémenté de l'énigmatique notation en « Z ». Après Volt Évier Z82 (2021), on se replonge avec envie – mais une certaine angoisse – dans ces architectures géométriques colorées, dans lesquelles circulent et dialoguent des créatures faites de figures de jeu d'enfant ou de Mecano. Le surréalisme est un maître mot dans cet univers, où tout peut arriver, bien que les assemblages de formes humanoïdes, faisant office de personnages principaux, dégagent une sorte de crainte, mêlée de mélancolie, voire de réflexe de survie lorsque l'administration (il y en a toujours une, représentée par d'autres figures moins agréables) se met à resserrer son étau autour d'eux. Il ne faut pas craindre le rythme d'EMG. Il ne nous prend jamais par la main, et nous traite comme les adultes que nous sommes – férus de lecture exigeante – pour nous amener à trouver nous-mêmes le processus de cheminement menant du haut du récit, vers son bas, ou plutôt devrait-on dire son milieu. En fait, peut-être le Z collé à ces titres ne signifie qu'une chose : il donne le code de lecture de ses histoires étranges, où l'on doit progresser, puis reculer, et réavancer, afin de retomber sur nos pieds. Même la pagination non chronologique peut opérer comme un repère ou un chausse trappe, c’est selon. EMG expérimente, mais il suit un chemin néanmoins rigoureux. Et ce décor onirique n'est au final pas si déstructuré qu'il n'y paraît. Grandes Kitty Z97 se révèle un beau et bon chapitre des « Z », qui vous marquera par sa modernité et son rapport audacieux et plaisant à l'art moderne, mais aussi aux septième, 8ème et 9ème art. Z comme… EMG !