L'histoire :
Isabelle Forestier voue une véritable passion pour le dessin. Tout est prétexte à prendre ces crayons. De fait, elle s'est mise à croquer les voyageurs qu'elle croise chaque jour dans le RER et ce, pendant 2 ans. Elle représente des femmes, des courageuses, des braves. Ces personnalités symbolisent une humanité entière qui se donne en un même lieu. Un papier calé sur ses genoux, elle dessine ces rencontres éphémères. Elle en profite pour échanger quelques mots, en savoir plus sur ces inconnues. Comment s'appellent-elles ? D'où viennent-elles ? Où vont-elles ? Que vont-elles faire ? Parfois, elle voit juste une personne, telle cette femme avec un bébé emmailloté qu'elle allaite dans le wagon, avec son mari et ses autres enfants à ses côtés. Faut-il qu'elle souligne un acte de maltraitance ? Absolument pas, la misère les oblige à s'adapter à la situation de grande précarité. A l'image des autres étrangères, elle a le droit à une représentation, sans jugement de valeur et avec passion.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L'album en main, on constate qu'il ne s'agit pas, au sens strict, d'une bande dessinée. Ce qui amène à se demander comment on définit le 9ème art. L'ouvrage se présente avec un dessin en pleine page et en vis-à-vis, quelques lignes de description, d'explication, un ressenti, une anecdote... Pas de case, pas de sens de lecture particulier, pas d'ensemble de petits dessins. Mais le médium a plusieurs formes. On prend le temps de regarder les portraits réalisés au pastel sec avec beaucoup de précision et de vraisemblance. On ne doute pas de la richesse des rencontres qu'Isabelle Forestier réalise dans les trains de banlieue. Tant d'humains avec de multiples destinées se rencontrent, s'ignorent, s'entrechoquent... La dessinatrice dresse un portrait global d'une réalité sociale sur ces femmes souvent précarisées, passant des heures dans les transports au quotidien. De très longues périodes d'absences auprès des enfants, de son chez-soi pour gagner un minimum d'argent. Des espaces souvent étudiés dans les sciences humaines comme représentatifs des inégalités sociales. Le choix est donné de ne voir que quelques croquis ou de porter un regard plus critique.