L'histoire :
L’hiver 1206, à la nuit tombée, des anglais pillent un village de Normandie. Un fils de paysan assiste impuissant au viol de sa sœur et au meurtre de ses parents. 18 ans plus tard, le frère Théodémar enseigne les lettres, la médecine et l’alchimie au sein de l’abbaye de Jumièges. Davian, un jeune homme faisant partie de ses élèves, se révèle prometteur… mais ces derniers temps, ce dernier a tendance à arriver en retard. En effet, en secret, Davian marivaude avec Blanche, la fille du châtelain local. Quand il n’étudie pas, ni ne batifole, Davian travaille dans une forge. Il espère pouvoir réunir assez de deniers pour pouvoir demander la main de la belle, mais… il se berce d’illusions. Ces deux-là ne sont clairement pas issus du même monde. Or une nuit, Davian se réveille d’un terrible cauchemar. Il file aussitôt à l’abbaye afin que Théodémar l’exorcise ou le soigne. A défaut, le sage Théodémar l’apaise en lui faisant respirer l’air frais de la nuit. Mais un attroupement éveille leur curiosité. Blanche vient d’être retrouvée morte, sauvagement charcutée et crucifiée à un arbre. Davian hurle aussitôt sa colère… et pourtant il est le premier suspect le lendemain, aux yeux du châtelain, en raison de sa proximité incongrue d’avec la jeune femme…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce thriller médiéval en one-shot a pu voir le jour grâce à l’investissement de 68 internautes dans un financement participatif Ulule. Le scénariste Pascal Piatti prend pour contexte le moyen-âge obscurantiste (l’an 1224) meurtri par des exactions anglaises larvées et les croyances les plus crasses. Les deux protagonistes principaux, un moine et son élève, se montrent cependant bien plus instruits que la moyenne. Ils tentent d’élucider une série de meurtres de jeunes femmes particulièrement sordides et mis en scène à la manière des serial-killers modernes. Parti de Jumièges, en Normandie, leur périple se conclura à Rocamadour (Vallée de la Dordogne), en passant par Paris et Tours. Pour l’époque, les héros et le principe de l’enquête faisandée par l’image du malin, l’intrigue évoque initialement beaucoup le Nom de la Rose. Pourtant la traque adopte dans son déroulé des chemins distincts, jusqu’au dénouement quelque peu… déroutant (aux accents ésotériques). Piatti a sans doute voulu ménager le plus longtemps possible son suspens, tout en se démarquant des canevas policier traditionnels, au risque de terminer en eau de boudin. Cependant, l’atout principal vient de l’ambiance moyenâgeuse crédible, qui perdure tout du long d’une enquête accrocheuse, ponctuée par des rites rustres (l’enterrement vivant, avec un tube dans la bouche) et des mécanismes de déductions archaïques. L’atmosphère moyenâgeuse est bien rendue par le dessin de Mor (alias Marcel Morote), qui a beaucoup œuvré dans la bande dessinée médiévale chez divers éditeurs indépendants. Bien que propice à l’immersion, son style trouve ses limites dans l’imprécision des visages, des angles et des proportions fantaisistes. Les apprentis médiévistes apprécieront toutefois ce déracinement réussi vers un siècle obscur et sombre…