L'histoire :
Sur une route de campagne, un carrosse convoie deux jeunes nobles dont l’un, Mallaury, est à l’origine de leur voyage. Le jeune homme a en effet décidé de partir à la capitale du royaume pour échapper à des fiançailles avec une fille certes bien née, mais surtout bien moche. Mallaury ne supportant pas bien le trajet, il demande à faire une halte dès que possible et c’est ainsi que les jeunes gens arrivent dans un village situé en contrebas de la route. C’est jour de marché et les trois filles du docteur Clayborne, Sweïn, Eïlis et Calliste sont sur la grande place pour faire des emplettes, tandis que leur père fait face au conseil des dignitaires du village. Ce dernier n’a plus que 2 jours pour régler son dû à la communauté, sinon quoi une saisie sera effectuée directement chez lui. Le vieil homme est désespéré car s’il ne peut payer à temps, la saisie en question ne se fera pas sur des biens matériels : les gens viendront en réalité chercher l’une de ses filles pour la sacrifier selon d’anciennes coutumes... Pendant ce temps, Sweïn dilapide son argent en bijoux et autres fantaisies sans tenir aucunement compte de la situation de leur père. Il faut dire qu’elle ne porte pas dans son cœur ses demi-sœurs Eïlis et Calliste et que c’est l’une d’elles qui sera sacrifiée, car elles ont le même sang de sorcière que leur défunte mère. C’est alors que le carrosse des nobles déboule dans le village et manque de renverser des gens avant de s’arrêter, si brutalement que Mallaury en fait une syncope. Son ami Idris rencontre alors les filles du docteur ainsi que ce dernier qui vient de sortir de la mairie. Il est décidé que les deux jeunes gens logeront au domicile du médecin. Mais à la nuit venue, des hommes masqués s’introduisent dans la demeure pour enlever Eïlis...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Premier titre de la nouvelle collection Yggdrasill chez Tonkam, Memento Mori se veut au croisement du manga et de la bande-dessinée (c’est d’ailleurs le but de cette nouvelle collection). Avec un style qui mixe donc les genres et rappelle un peu celui d’Aurore (Elinor Jones, Pixie...), Rann illustre cet album en grand format cartonné et en couleurs, donc, à l’aide d’un trait aux petites influences manga. L’histoire en elle-même donne dans le fantastique avec, pour faire court, des sorcières et de la magie dans un monde médiéval. On y découvre un village au sein duquel un lourd secret semble peser puisqu’on y parle de sacrifices humains. Les premières concernées sont les trois filles du docteur local, dont deux au moins semblent avoir des pouvoirs magiques latents, tandis que la troisième complote contre elles pour les faire éliminer. Là-dessus, l’arrivée de deux nobles en voyage à travers le pays va compliquer un peu les choses. L’une des filles est en effet projetée dans une dimension parallèle, au milieu d’un conflit opposant des créatures fantastiques... Les 46 planches présentées ici ne sont pour le moment qu’une introduction et il faudra donc attendre le volume suivant pour mieux comprendre les actions et volontés de chacun. Il faut dire que peu de choses sont expliquées ici et que cela n’est donc pas toujours évident à prendre en main au début. Qui plus est, la narration manque un peu de fluidité et la mise en avant de certaines pensées dans des cadres noirs, alors que d’autres le sont dans des bulles classiques, perturbe aussi le rythme de lecture. Ces quelques défauts n’empêchent néanmoins pas l’histoire de se montrer intrigante, et il est fort probable qu’arrivé à la fin, le lecteur désirera en connaître la suite. Tout cela est plutôt joliment illustré dans un style qu’on qualifierait de shôjo, avec parfois des faux airs de Clamp, pour l’exprimer en style manga. Plus clairement, on sent bien la touche féminine dans la finesse du trait et dans la mise en page bien souvent ornée de pétales de fleurs, de bouquets de roses dans les coins ou bien encore enjolivées d’autres fioritures décoratives. Les planches sont fournies en détails et leur découpage est très travaillé (mais pas toujours facile à suivre), ainsi que l’est la mise en couleurs très nuancée. Pas étonnant quand on sait que la dessinatrice est d’abord coloriste sur de nombreux titres parus dans Lanfeust mag ou aux éditions Clair de Lune. Quant aux protagonistes, ceux-ci sont très beaux, parfois androgynes, et vêtus de costumes très recherchés. Rann use bien souvent de plans audacieux, mais il y a tout de même parfois quelques petits problèmes de perspectives. Rien de bien méchant en tout cas, et si quelque chose doit vraiment choquer, ce sera plutôt les visages de certains personnages qui, en fonction de l’angle, montrent des mentons en pointe (à en trouer les pages) ou manquent de temps à autre d’un tout petit peu de relief. En tout cas, ce premier volet est globalement attractif mais ne fait que poser les bases d’une histoire encore loin d’être résolue. Il faudra donc attendre la suite pour voir si tout cela est développé intelligemment et ainsi se faire une idée plus claire de ce que cette série a dans le ventre.