L'histoire :
A peine est-il arrivé à Paris de son Béarn natal, sur un bidet ridicule, que d’Artagnan prend une leçon de bienséance déshonorante dans une taverne. Qu’importe, l’épisode passé, il vend son bidet pour se racheter son épée cassée puis, fort de la lettre de recommandation rédigée par son père, se présente chez monsieur de Tréville, capitaine des mousquetaires de sa majesté. Les postulants sont nombreux et la patience du jeune homme est mise à mal dans les couloirs encombrés de la demeure. Soudain, il aperçoit dans la cour le gentilhomme qui l’a récemment humilié. Bien décidé à lui faire rendre raison, il se précipite et bouscule tour à tour 3 mousquetaires. Il récolte 3 provocations en duels pour le lendemain midi… sans avoir pu s’expliquer avec son ennemi. Il passe alors le reste de la journée à s’enivrer, héroïquement… Le lendemain, sur le lieu du rendez-vous, il s’aperçoit que si ses duellistes sont tous présents à la même heure, c’est qu’ils sont témoins les uns des autres… Alors qu’ils s’apprêtent à croiser le fer, 5 soldats viennent à passer, sous les ordres d’un dénommé Jussac. La pratique du duel étant interdite, ils demandent aux 4 duellistes de leur remettre leurs fleurets… ce qu’aucun d’eux n’est prêt à faire de bon gré. Le combat est déclenché, une amitié est née…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alexandre Dumas a le vent en poupe au sein du 9e art. D'une part l’équipe Morvan/Dufranne/Ruben a adapté le roman Les trois Mousquetaires ; d'autre part, le duo Adam/Micol (chez Vent d’Ouest) et Nicolas Juncker en solo (chez Treize étrange) se sont tous intéressés à D’Artagnan. Juncker réitère ici son penchant pour les pavés historiques (cf. Le front ou l’excellent Malet, histoire d’un putsch contre Napoléon). Or, a contrario des autres célèbres aventures des mousquetaires, sa variante brise le mythe et livre une interprétation personnelle intéressante. Nos quatre bretteurs sont en effet montrés sous un jour quelque peu déprécié par rapport aux standards héroïques habituels. Par exemple, tout héros qu’il soit, d’Artagnan est tour à tour empoté, naïf, égoïste, radin, irascible ou obsédé sexuel… Et ses trois fidèles amis livrent également leurs côtés obscurs, pour composer au final une équipe certes brave et solidaire, mais dotée d’une psychologie de groupe complexe. Après une présentation à contrepied pour mettre dans le bain (roué de coup, le héros est humilié), Juncker, gascon véritable et ex-escrimeur (pas facile à prononcer) se débarrasse de l’épisode incontournable des ferrets de la reine en une 60taine de pages. Il lui en reste ensuite plus de 200 pour s’éclater avec les caractères gouailleurs de ces personnages, dans leurs pérégrinations tantôt sentimentales, tantôt militaires, tantôt vengeresses (sus à Milady !). Le résultat est passionnant, rythmé, drôle, honnêtement humain et d’une belle densité ! Son dessin est plus que jamais un alliage subtil entre un style schématique (pour les traits des visages) et un certain raffinement, inhérent au genre de cape et d’épée (les ornements, les costumes, les dentelles). De la sacrée belle ouvrage !