L'histoire :
Au large des côtes de Floride, il y a pas mal de tempêtes. Aussi, parfois, l’océan retient dans ses filets quelques navires espagnols imprudemment gorgés de métaux précieux. On affrète alors une nouvelle flotte pour récupérer les trésors ensevelis. Ici le pirate intervient… Ce jour là, le capitaine et son équipage ne font pas de quartier : l’abordage est routinier, la sauvagerie ordinaire, point de compassion. Et un magnifique trône en or est chargé à bord, selon le souhait du chef de bande et de ses commanditaires. Sur le pont, on trouve Ed et Léonard, aussi fidèles envers leur capitaine qu’ils détestent Barrow, son second. Leur dernière escale à New Providence leur a pourtant donné l’occasion de dépouiller le boucanier d’une partie de sa solde : le bonhomme a des mœurs particulières qui font tâche dans le curriculum d’un flibustier. Ce soir là, donc, les deux compères lui mettent à nouveau le grappin et obtiennent dans l’instant le repas gargantuesque réclamé. Une fois les agapes terminés, c’est le capitaine qui leur propose de régaler d’un tonneau de rhum le reste de la bande. On pourrait croire que les 2 coquins sont en veine cette nuit là et pourtant… Le navire est bientôt attaqué par moult pirates commandés par une rousse à couettes qui, outre le fameux trône, s’offre la virilité de notre vaillant capitaine à l’instant détroussé…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah ! Qu’il est bon de sentir tanguer le pont du navire sous ses bottes, d’entendre claquer l’étoffe sombre ou de s’émoustiller à l’annonce d’un prochain abordage… Bref de plonger dans un nouveau récit de piraterie. Comble de bonheur, le 9e art ne se fait pas prier ces derniers temps à satisfaire ce besoin d’aventure nait de l’enfance, période où debout sur notre lit, nous imitions les héros de Stevenson et consorts. Ainsi après Long John Silver, l’Epervier, ou encore le récent A bord de l’étoile Matutine, nous voici chatouillés par la plume de Laureline Mattiussi, qui livre une aventure rassasiant nos bas instincts : trahison, baston, copulation, gueuleton... Dans ce premier tome, on assiste à un défilé de personnages tous plus intéressants les uns que les autres, qui se livrent à des duels croisés. En toile de fond, un fauteuil très convoité, une histoire d’amour (ou charnelle ?) et de viles trahisons, qui font saliver d’impatience en attendant le prochain épisode. Mais attention les yeux (ou l’œil, selon le flibustier), derrière cette histoire presque conventionnelle de piraterie, il y a le gros talent de Laureline Mattiussi qui, à l’instar de sa rousse héroïne, réussit l’abordage les doigts dans le nez. Il y a d’abord une narration fluide où le verbe compte, où les dialogues (drôles, incisifs, crus) mangent la planche empêchant la moindre voix off d’exister. Il y a ensuite ce dessin qui respire, simple et solide, uniquement enrichi par sa colorisation. Un trait tantôt en mouvement, tantôt figeant une expression, tantôt jouant sur l’océan fendu par le bateau. On pense bien sûr à Christophe Blain et son Isaac (angle narratif, graphisme nouvelle BD…), mais loin de nous proposer une pâle copie, Laureline Mattiussi nous concocte un univers bien à elle, dans lequel nous deviendrions volontiers pour un ou deux pistoles, l’un des compagnons…