L'histoire :
Charles, capitaine de la fière Kouklamou, joue son navire aux cartes et finit par perdre. Le vainqueur est un petit vieillard à la barbe blanche et il prend très vite ses marques dans le bateau. Cependant, les pirates ne l’entendent pas ainsi et ont du mal à accepter ce changement brutal de commandement. Le nouveau capitaine abat donc sa dernière carte (!) et offre à ses hommes neuf cartes au trésor pour se consoler. Le second, Romuald, est totalement aveuglé par l’appât du gain. Il réunit tous ses hommes pour lancer la chasse aux trésors. Comme dans un jeu, les pirates tentent de choisir une des cartes au hasard, mais ils mettent énormément de temps à se décider. La carte choisie affiche simplement une croix rouge au milieu de l’océan ! La chasse s’annonce difficile…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Peu de bande dessinées utilisent l’humour dans le thème de la piraterie. Nicolas Pothier rétablit ce manque, avec un sens aigu de la parodie. Les pirates ne sont plus des balafrés sanguinaires, sans foi ni loi, menés par un chef monstrueux à l’air patibulaire : ici, ce sont de gentils ignorants, totalement naïfs, qui manquent singulièrement de jugeote. Ces aventuriers de pacotille risquent de connaître de nombreux déboires entre deux verres à boire. Leur chef est également atypique : minuscule, sans nom et sans cruauté, le « capitaine » est un vieillard qui s’isole pendant l’abordage pour bouquiner et qui déteste le sang et l’or ! Malin et habile, il va réussir à imposer sa personnalité hors normes au milieu de pirates uniquement préoccupés par l’appât du gain. L’histoire est aussi décalée que les personnages et le bateau font de drôles de rencontres sur la mer. Pothier se débarrasse de la vraisemblance pour parodier les ficelles faciles des récits d’aventure : les pirates vont même aller jusqu’à mimer une scène d’opéra en tutu pour récupérer un trésor ! L’auteur aime à multiplier les références fictionnelles et décalées : le capitaine porte un tricorne dont l’effigie reprend l’emblème… d’Albator ! De plus, il s’amuse à distiller de nombreux calembours qui ponctuent les dialogues. Les jeux de mots sont savoureux et cassent totalement l’aventure : l’héritier de Robinson Crusoë parle de sa femme en chantant l’air de Simon and Garfunkel (« Hey Miss Robinson ! »). Le décalage naît aussi d’un dessin intéressant de Frédérick Salsedo. Le trait du dessinateur joue sur les visages caricaturaux et les poses absurdes. Les couleurs de Greg, le frère du dessinateur, sont superbes de dépaysement et de finesse. Une série décalée qui s’est déjà fait un nom…